Portrait de l’Hérault : Lionel Valero, "garde du corps" de la flamme olympique
La flamme olympique fera son entrée en sol français le 8 mai, lors de la descente de la torche du Belem sur le Vieux-Port de Marseille. Dès son arrivée dans le pays, un dispositif de sécurité se mettra en place autour des porteurs, formant “une bulle” composée de policiers et de gendarmes. Parmi eux, Lionel Valero, 52 ans, père de deux grands enfants et chef d'État Major au commissariat de Béziers.
Avant de revenir sur ce dispositif exceptionnel, pouvez-vous revenir sur votre carrière ?
Lionel Valero : À 52 ans, je suis marié, père de deux enfants. J’ai intégré la police en 1992, et travaillé en région parisienne, notamment dans le corps CRS. Par la suite, j’ai été affecté à Grenoble, Montpellier et Marseille avant de revenir à Montpellier, puis d’être affecté au commissariat de La Devèze en 2012. Depuis 6 ans, je suis chef d’État-Major de la circonscription de police de Béziers, ma ville natale.
Comment s’est déroulée votre sélection ?
L.V : La sélection des candidats a débuté en août 2023 avec l’envoi d’un télégramme de recrutement concernant le dispositif. Dès la lecture, j’ai su que c’était une mission pour moi car elle offrait la chance de participer de près aux JO, de représenter la police et de pratiquer un sport qui me plaît. J’ai décidé de postuler, soutenu par mon chef de service, et j’ai envoyé mon CV et ma lettre de motivation. Finalement, sur 400 candidatures retenues par le commissaire chef du dispositif, seuls 50 policiers ont été sélectionnés. C’est une chance d’en faire partie.
Dans quelle mesure votre condition physique a-t-elle été déterminante ?
L.V : Passionné de sport depuis mon plus jeune âge et ceinture noire de judo/jujitsu, j’ai commencé à m’intéresser à la course à pied lorsque j’ai intégré le corps CRS. J’ai ensuite progressivement augmenté les distances, relevant des défis tels que les 10 km et le semi-marathon. À l’âge de 40 ans, j’ai décidé de me fixer un défi plus ambitieux : mon premier marathon. C’est une épreuve très particulière, surtout au niveau de la préparation, et j’ai eu la chance de pouvoir m’entraîner avec des amis et des collègues. Je me suis lancé à Montpellier et j’ai pris goût à cet effort, que j’ai renouvelé régulièrement. Pour autant, le commissaire en charge de dispositif s’est montré très clair au moment de notre sélection : nous ne sommes pas les sportifs de la police nationale, nous ne sommes pas là dans un rôle de représentation, nous sommes là pour faire un travail complet, efficace et exigeant, avec une sécurité à 360 degrés et un mouvement quasi constant. Ce qu’il voulait c’était des policiers réactifs, capables de s’adapter à de nombreux paramètres voués à être modifiés en temps réel.
Comment s’est déroulée la formation ?
L.V : La mission consiste à protéger la flamme pour qu’elle ne cesse pas de circuler, avant l’allumage du chaudron le soir. Nous nous sommes inspirés des techniques de protection rapprochée, avec deux sessions de formation d’une semaine regroupant les modules d’exercices, des mises en situation, et des exercices sur l’intrusion, les premiers secours, etc. Le fait est que notre attention doit être constamment maintenue sur une plage horaire importante. Le dispositif, composé de 50 policiers et 50 gendarmes, est entraîné conjointement, sur un site de la gendarmerie nationale, afin d’améliorer la capacité de nos groupes et commandement mixte. Cela signifie que le commandement est dirigé par un lieutenant-colonel et un commissaire, puis des capitaines de police et de gendarmerie, et des chefs de groupe policier et gendarme au sol. L’ensemble du personnel sélectionné est détaché du 2 mai au 27 juillet, avec une reprise en août pour les Jeux Paralympiques.
Quels sont les scénarios étudiés ?
L.V : Nous avons exploré tout un panel de mise en situation allant de l’intrusion aux mauvaises conditions météorologiques, en passant par le malaise du porteur. Notre mission est que la flamme ne s’arrête jamais, qu’elle soit constamment en mouvement, et cela signifie que nous devons nous positionner, nous engager, voire neutraliser, si le scénario s’impose. Notre sélection s’est beaucoup jouée sur notre capacité à faire le tri très rapidement, dans une foule agitée. Nous devons, en toute circonstance, être capable de déterminer s’il s’agit d’une personne insistante de bonne composition ou un agresseur qui a réussi à percer le dispositif. Notre dispositif va rendre très difficile toute intrusion mais nous savons que le risque zéro n’existe pas. C’est pour cela que, me concernant, je suis prêt à assurer la mission jusqu’au bout, à engager et à neutraliser s’il le faut.
Sans entrer dans les détails, comment est bâti le dispositif ?
L.V : En dehors du cordon, c’est un important dispositif, destiné à répondre à de multiples situations, qui sera coordonné à l’occasion du passage de la flamme olympique. Ce sont 115 personnels de police et gendarmerie qui seront engagés sur le dispositif de sécurisation. Puis, nous avons un groupe mixte d’une vingtaine d’agents engagés autour de la torche, un groupement en réserve et un dernier de remplacement, de manière à pouvoir parer toute éventualité. L’objectif est d’assurer à 50 une couverture constante le long des 63 étapes, ainsi que du Relais des océans.
Comment les spécificités territoriales sont-elles prises en compte ?
L.V : Les villes étapes présentent toutes des configurations différentes, ce qui rend chaque journée unique. Nous devons nous adapter en permanence pour garantir que la flamme ne s’arrête pas. Chaque matin, la direction présentera la topographie et les spécificités locales, en tenant compte des menaces potentielles, complétées par les reconnaissances qu’ils ont effectuées sur le terrain. Nous n’avons pas pu, en raison de nos activités, reproduire la totalité du terrain lors de nos sessions de formation. Mais ce n’est pas plus mal. Il faut qu’on ait l’esprit ouvert, les regards frais, et il est parfois préférable de ne pas avoir d’habitudes sur le terrain.
Quelques jours avant l’activation du dispositif, comment se sent-on quand on est passionné et qu’on s’apprête à vivre une expérience unique dans une vie ?
L.V : Je nourris une grande admiration pour ceux qui consacrent leur vie au sport et c’est une vraie fierté de pouvoir faire mon métier dans de pareilles conditions. D’ailleurs depuis l’annonce de ma sélection, avec ma famille on mange, dort et vit JO ! Cette mission est exceptionnelle et représente un défi à mon âge. Avec du recul, je réalise que c’est une opportunité unique dans une carrière de policier. J’ai participé à la Coupe du Monde 98, mais rien ne peut égaler les Jeux Olympiques, que ce soit sur le plan sportif ou organisationnel. C’est l’événement mondial par excellence.