Portrait d'Héraultaise : Claudia Azaïs, la mer dans le sang
Claudia Azaïs est une des seules femmes marins-pêcheuses de la Méditerranée, capitaine d’une société de visites de la lagune de Thau, prud’homme des pêcheurs de Marseillan et conseillère municipale, déléguée à l’Agriculture, à la Viticulture, à la Protection et la mise en valeur de l’étang avec Sète Agglopole Méditerranée et le Syndicat Mixte du Bassin de Thau, et aux Professionnels de la pêche et de la conchyliculture. Une passion pour la mer très présente, qu’elle vit au quotidien avec ses 3 enfants, Mathieu, Mélanie et Nicolas, ainsi que Marlène Crespel, son matelot et amie d’enfance.
L’Interview
Pouvez-vous vous présenter ? Quel a été votre parcours ?
Claudia Azaïs : « Issue d’une famille de pêcheurs ostréiculteurs, je suis arrivée en 1972 à Marseillan et j’ai grandi au « milieu » du bassin de Thau. A 15 ans, j’ai voulu entrer au lycée de la Mer de Sète pour pratiquer le métier de l’ostréiculture. J’étais la seule fille qui demandait à rester en internat… Il n’y en avait pas à l’époque ! Mais il en a été créé un depuis.
Je n’ai malheureusement pas eu le brevet que j’attendais ; mes parents m’ont donc descolarisée à 16 ans. Sans brevet, il m’était impossible de prendre leur succession. Je me suis lancée dans l’ostréiculture avec d’autres personnes de ma famille et des amis, en tant qu’employée.
J’ai rencontré quelqu’un qui faisait du transport de passagers et, comme le milieu de la mer me plaisait plus que tout – que ce soient la conchyliculture, la pêche ou les promenades –, je suis donc retournée à l’école pour passer tous les diplômes !
A 18 ans, je suis donc retournée au lycée de la Mer et j’ai commencé à me qualifier pour être capitaine de bateau de passagers. Ayant réussi cette formation, j’ai pu conduire un passeur, un bateau de 19 places, entre La Tamarissière et le Grau d’Agde.
Cela a duré sept ans, mais je trouvais cela un peu répétitif. Ce n’était plus le milieu qui m’avait tant plu au départ… J’ai profité de cette expérience pour acquérir un bateau, m’installer au port de Marseillan et proposer des circuits pour faire visiter les parcs à huîtres. A ma grande surprise, il y avait de la demande. Les gens étaient curieux. Pourtant, à cette époque, dans les années 1996-97, il n’y avait pas le port qu’il y a aujourd’hui, aussi bien achalandé ; il n’y avait pas autant de passage. Le peu que j’avais, cela plaisait ! Encouragée par cette réussite, j’ai acheté un bateau de 97 places pour lequel je suis retournée à l’école afin de passer le permis machine en plus du permis capitaine. Je me suis installée dans le port de Marseillan et j’ai arrêté le passeur.
” Tant que j’aurai « la pêche », je resterai présente sur l’étang
de Thau ! »
J’ai eu cette activité pendant dix ans. J’ai pu faire découvrir aux
touristes et aux locaux la ville de Marseillan, le bassin de Thau. Mais au bout d’une décennie, le bateau n’était plus homologué en eau salée. En suivant les conseils de confrères du Cap d’Agde, j’ai pris contact pour un nouveau bateau avec un architecte basé en Chine. Malheureusement, le chantier ayant pris énormément de retard, je l’ai reçu après la saison, ce qui a entraîné des problèmes financiers avec les banques. J’ai donc utilisé le bateau un mois et j’ai dû le revendre pour payer les échéances. Ayant 3 enfants et une maison en garantie, j’ai préféré le revendre et assurer l’avenir de ma famille. Je ne souhaitais pas perdre ma maison pour le travail. Alors j’ai tout arrêté. Mais comme j’avais toutes les qualifications, mon père est venu m’aider. Je suis repartie vers la pêche, car cela nécessitait moins d’investissements. J’ai continué toute seule dans le milieu de la pêche avec un bateau ayant pour nom Mémani, abréviation des prénoms de mes enfants.
En 2013, mon fils a recommencé les promenades avec L’Etoile de Thau 2, un bateau de 12 places, puis deux ans après à bord de L’Etoile de Thau 3 avec 35 places. Enfin, deux ans plus tard, en 2017, nous avons créé une entreprise familiale avec une nouvelle vedette de 96 places, Diane 1, qui accueille les visiteurs et les scolaires à l’année sur la rive gauche du port de Marseillan ville.
Comme nous étions sans prud’homme à Marseillan depuis quelques années, je me suis présentée… Je cumule donc aussi cette fonction. Parallèlement à cela, Yves Michel, le maire de Marseillan, a souhaité me rencontrer. Cela a bien fonctionné, et maintenant je suis également conseillère municipale depuis 2 mandats. J’ai découvert aussi la viticulture, parce que les deux professions sont très liées. Les vignobles et la mer fonctionnent ensemble. Je repars avec cette casquette mer et vignobles ! »
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’exercer votre profession ?
« Je ne me sens bien que là ! Le fait d’y être née, d’y avoir grandi, d’y avoir passé toutes mes saisons, mes vacances… Je suis passionnée de ce milieu, que ce soit pour aller pêcher ou simplement prendre le bateau pour aller naviguer sur l’étang. C’est une passion ! »
Des projets, des ambitions, des rêves ?
« Je le conçois en famille ! J’aimerais vraiment travailler avec mes enfants. Je souhaiterais aussi qu’il y ait de l’évolution, car au niveau de la pêche, c’est très dur physiquement. Ce n’est pas comme l’ostréiculture, qui est bien mécanisée aujourd’hui : beaucoup de machines permettent par exemple de soulever moins de poids. La pêche reste un métier à l’ancienne ; nous avons beaucoup de manutention. Le métier de la pêche est très fatigant, épuisant surtout physiquement. J’arrive à 48 ans et j’ai souffert pas mal physiquement, ayant commencé en 1987, à 16 ans, quand j’ai quitté l’école. Je me suis dit : « il faut lever le pied et rester quand même dans ce milieu en apprenant aux autres ce métier, leur faire découvrir, ce qui me plaît autant ! ». J’aimerais développer encore plus ma branche tourisme, en faisant découvrir aux petits et aux grands la lagune de Thau, mais différemment. Mon ambition serait de pouvoir aller sur l’eau une ou deux fois par semaine, continuer la pêche tant que je pourrai, et me diriger plus sur le circuit découverte du métier de pêcheur par le biais du bateau touristique. Et le faire en famille. C’est quelque chose qui me tient à cœur.
Tant que j’aurai « la pêche », je resterai présente sur l’étang
de Thau ! »
L’intégralité de cette interview est à lire dans l’édition Print de l’Hérault Juridique & Economique du jeudi 4 mars 2021, n°3349