Pour le réalisateur Dominique Filhol, « Valensole reste un phénomène inexpliqué »
Le réalisateur présente son film “Valensole 1965” au 10e Festival international du film insolite de Rennes-le-Château, du 15 au 19 août, où il est membre du jury. L’histoire d’une possible rencontre du troisième type dans les lavandes provençales en 1965.
Le film est inspiré d’une histoire vraie: celle d’un paysan qui en 1965, a affirmé avoir observé un engin de la forme d’une soucoupe volante posé dans un champ de lavande et deux passagers humanoïdes. L’affaire a été classée officiellement par le Geipan (Groupe d’études et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés) parmi les cas inexpliqués.
Avant de vous lancer dans la réalisation de ce film, vous aviez déjà réalisé deux documentaires au sujet des ovnis: Ovnis: une affaire d’Etats et le Bureau des Ovnis. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser aux ovnis ?
C’est un sujet qui m’intéresse depuis que je suis enfant. Quelqu’un de ma famille a fait une observation et me l’a racontée quand j’étais très jeune et ça m’a beaucoup marqué. Par la suite, j’ai grandi avec des films sur le sujet, des documentaires, et je me souviens que j’ai aussi collectionné toutes les revues sur les ovnis qui pouvaient sortir en presse. Presque tous les étés, il y avait un VSD hors-série sur les ovnis qui sortait et que je m’empressais d’acheter. Il y a un autre magazine qui s’appelait Facteur X, dédié à ce sujet qui sortait des dossiers ovnis avec des cassettes vidéo.
« On s’est appuyés sur les rapports de gendarmerie de l’époque »
Et puis j’ai un peu perdu cette passion après, pendant plusieurs années. J’y suis vraiment revenu en 2017, au moment où est sorti un article du New York Times sur des pilotes de chasse américains ayant filmé des Ovnis pendant leur entraînement et que le Pentagone avait lancé un programme de recherche secret pour un budget de 22 millions de dollars. Là, je me suis dit qu’il se passait quelque chose et c’est comme ça que j’ai eu envie de faire mon documentaire Ovnis : une affaire d’États.
Pourquoi l’affaire de Valensole vous a donné envie de réaliser un long métrage
de fiction cette fois-ci ?
Parce que j’ai toujours voulu faire du cinéma. J’ai fait une école de cinéma pour devenir réalisateur de fiction. C’est toujours plus difficile de monter une fiction, mais je trouvais que Valensole était un sujet qui se traitait bien au cinéma. Ça me plaisait de faire une fiction basée sur une histoire vraie, qui plus est une histoire vraie fantastique. Et puis il y a tout le cadre dans lequel cela s’est passé : la Provence des années 60 avec les champs de lavande de Valensole qui s’étendent à perte de vue. Il y a ce côté Marcel Pagnol qui nous fait tous un peu rêver. C’est cette ambiance-là que je voulais arriver à retranscrire, à la fois l’histoire de cet homme qui a vécu cette expérience étrange qui l’a beaucoup marqué, durant toute sa vie, et en même temps montrer la beauté et la poésie des paysages de Provence.
Etant donné que vous vous basez sur des faits réels, sur quelles sources vous êtes vous appuyé pour l’écriture du scénario et qu’est-ce qui relève plutôt de partis pris fictionnels ?
On s’est appuyés sur les rapports de gendarmerie de l’époque. Une enquête a été faite par les gendarmes qui sont allés voir les traces laissées dans le champ par ce mystérieux objet qu’avait vu Maurice Masse. Ils ont pris des photos. Il y a eu trois rapports de gendarmerie faits à différents moments. On s’est basés sur des articles de presse de l’époque, parce qu’il y a aussi eu beaucoup de presse locale, nationale et même internationale sur l’affaire de Valensole.
« Selon le Geipan, il y a 3 ou 4 % d’observations qui restent inexpliqués »
Maurice Masse est mort en 2004, mais j’ai aussi pu parler avec des gens de sa famille, sa fille et ses petits-enfants. J’ai aussi discuté avec des ufologues, des spécialistes des ovnis, qui avaient enquêté sur Valensole. Parmi les plus grands ufologues que j’ai rencontrés, il y a Jacques Vallée. Il a beaucoup enquêté sur l’affaire de Valensole et il a travaillé dans les années soixante avec le professeur Hynek, l’astronome de l’US Air Force, pour l’armée américaine. Il a aussi été conseiller de Steven Spielberg sur Rencontres du troisième type. Valensole est pour lui un des cas les plus extraordinaires sur lesquels il a pu travailler puisque il y a aussi eu des effets physiologiques sur le témoin.
Maurice Masse a été atteint d’hypersomnie, ses montres se déréglaient quand il les mettait… Il a eu tout un tas de symptômes un peu bizarres après sa rencontre avec l’objet et ses deux petits passagers.
Comment avez-vous travaillé pour
appréhender la personnalité de Maurice Masse ? On voit par exemple dans le film qu’il refuse l’argent d’une journaliste qui souhaite acheter son récit.
Justement, c’est aussi ce qui m’a touché dans l’histoire de monsieur Masse. C’est qu’en effet, on lui a proposé beaucoup d’argent pour plusieurs interviews. Évidemment, dans le film, on ne voit ça qu’une fois, mais ça lui est arrivé à plusieurs reprises et il a toujours refusé. Et il n’est jamais revenu sur ce qu’il avait vu, alors que ça lui a quand même attiré un paquet d’ennuis. Il aurait pu dire “tout ça c’est un canular, laissez-moi tranquille, ça n’existe pas”, mais non il n’est jamais revenu là-dessus.
L’énigme autour de La rencontre
de Valensole n’a toujours pas été résolue. Mais est-ce que peu à peu,
on avance vers une meilleure connaissance de ce type de phénomène ?
En ce qui concerne Valensole, ce qui est intéressant c’est que pendant un petit moment, l’hypothèse avancée par les sceptiques pour les traces laissées par l’engin était celle d’un impact de foudre. C’est toujours un sujet sur lequel le Geipan enquête, reste à l’affût de nouveaux témoignages, de nouvelles manières de travailler. Et j’ai eu récemment au téléphone le directeur du laboratoire de recherche sur la foudre, Raymond Piccoli, qui m’a affirmé que la trace laissée par l’engin n’était pas liée à la foudre. Ils ont prouvé ça il y a quelques mois puisqu’ils ont pu avoir accès aux données météo de Valensole du 1er juillet 1965. Ils ont découvert que ce jour-là, il n’y avait absolument pas d’orage, donc que ça ne pouvait pas être un impact lié à la foudre.
Il existe un certain nombre de théories du complot autour du sujet des Ovnis. Comment faire pour que ce sujet soit pris au sérieux sans être récupéré dans des thèses conspirationnistes ?
C’est tout le travail que j’essaie de faire. C’est aussi le travail que d’autres personnes essaient de faire, comme Avi Loeb qui était directeur du département d’astronomie de l’université d’Harvard et Jacques Vallée. C’est le travail du Geipan aussi, qui dépend du Centre national d’études spatiales (CNES). Et tous ces gens-là travaillent de manière sérieuse pour tenter de comprendre et d’expliquer ce que sont les phénomènes aérospatiaux non identifiés, qui sont la plupart du temps confondus avec des phénomènes naturels : des satellites, la Lune, des étoiles qui brillent d’une manière un peu particulière… La plupart du temps ce sont quand même des phénomènes explicables mais selon les données du Geipan, il reste 3 ou 4% [3,4% précisément, ndlr] d’observations qui restent inexpliquées.
Et il y a aussi quelque chose d’intéressant, c’est que souvent, quand vous commencez à lancer le sujet des Ovnis dans un dîner, il y a toujours quelqu’un à table qui a vécu ou qui connaît quelqu’un qui a vécu une expérience. Et parfois, certaines personnes ont vécu des choses et n’osent pas en parler ou en parlent pour la première fois, parce qu’elles ont peur d’être stigmatisées, d’être prises pour complotistes, alors que pas du tout. Les témoignages touchent vraiment des gens de toutes catégories sociales confondues.
On peut toujours mettre ça dans la thèse des théories du complot mais c’est un petit peu facile quand on n’a pas creusé le sujet. Par exemple, les Américains ont déclassifié des tas d’archives sur le sujet, que ce soit au Pentagone ou sur le site de la CIA. Aujourd’hui, c’est quand même un sujet qui est étudié de manière sérieuse, que ce soit par les États-Unis, la France ou d’autres pays comme le Chili qui ont des organismes d’État qui étudient ça.
Si c’est un sujet à mettre dans les théories du complot, pourquoi ces organismes-là existent-ils ?
Vous allez être jury lors du Festival international du film insolite, qu’est-ce que ça représente pour vous ?
Je suis très très heureux de faire partie de ce festival parce que c’est une région que j’aime beaucoup. Mon premier documentaire parlait de la région, de Bugarach, des légendes de Rennes-le-Château… Je me suis toujours intéressé à tout ce qui tourne autour du mystère et de la spiritualité, donc être membre du jury et découvrir les œuvres de collègues, c’est quelque chose qui me tient à cœur. Et je sais que la sélection de Fanny Bastien est toujours très pertinente donc j’ai hâte de découvrir les documentaires et les courts-métrages de cette année.
Jeudi 15 août, projection-débat de « Valensole 1965 » à 22 h 15 au domaine de l’Abbé Saunière à Rennes-le-Château, en présence de Dominique Filhol, réalisateur et membre du jury, des acteurs Matthias Van Khache et Vahina Giocante et de la productrice Virginie Lacombe. Tarifs : pass cinq jours 55 € ; journée 20 € ; soirée 12 € ; gratuit pour les moins de 18 ans. Programme page 6.