Justice — Département Hérault

Prison de Béziers : "Sans moyens humains et financiers, rien ne changera"

Alors que le nouveau ministre de la Justice Gérald Darmanin annonce des mesures pour réformer les prisons, les professionnels du secteur restent partagés. À Béziers, David Parmentier, secrétaire local de l’Ufap, souligne les défis structurels et humains à relever pour rendre ces propositions réellement applicables.

Depuis sa prise de fonction comme ministre de la Justice, Gérald Darmanin multiplie les annonces sur la gestion des établissements pénitentiaires. Parmi elles, des opérations “place nette” pour lutter contre les trafics en prison, l’isolement des narcotrafiquants les plus dangereux ou encore la construction de prisons “à taille humaine”. Des annonces accueillies avec prudence par David Parmentier, secrétaire local de l’Union fédérale autonome pénitentiaire (Ufap) du centre pénitentiaire de Béziers.

Pour prendre l’avion, c’est plus sécurisé que pour rentrer dans un établissement pénitentiaire

Les opérations “place nette”, qui existent déjà dans la société civile, sont des actions menées par la gendarmerie et la police pour démanteler les points de deal et lutter contre la délinquance. Depuis sa nomination, Gérald Darmanin a annoncé vouloir adapter ce concept aux prisons. Si l’idée peut sembler efficace, David Parmentier tempère : Avant, ça s’appelait des fouilles générales, mais depuis 2009, les règles pénitentiaires européennes nous en empêchent. On a des restrictions, on ne peut plus fouiller un détenu comme on veut. Cela explique qu’on ait des entrées massives de téléphones, de cannabis, d’armes et ainsi de suite. Pour prendre l’avion, c’est plus sécurisé que pour rentrer dans un établissement pénitentiaire.”

Concernant l’isolement des narcotrafiquants, David Parmentier explique qu’en l’état actuel des choses, c’est impossible à mettre en place. “Le centre pénitentiaire de Béziers compte 829 places pour 1 100 détenus. Nous n’avons que 12 places en isolement. Mettre les narcotrafiquants les plus dangereux en isolement, pourquoi pas, mais cela suppose de déplacer d’autres détenus : des terroristes, des figures du grand banditisme ou des personnes mises à l’isolement pour leur sécurité, comme d’anciens policiers”.

Nos deux missions essentielles, la sécurité et la réinsertion”

La solution serait de créer plus de places, le syndicaliste est donc favorable à la construction de prisons à taille humaine, une mesure portée par l’Ufap depuis plus de 30 ans. “Avec des établissements entre 100 et 200 places, tout le monde y gagnerait : le détenu et le surveillant. Cela nous permettrait d’exercer nos deux missions essentielles que sont la sécurité mais aussi la réinsertion. C’est un volet qu’on oublie beaucoup. Quand vous avez mis les détenus sur des matelas à même le sol, je vous mets au défi de réinsérer les gens !”

Le syndicaliste explique que la maison d’arrêt de Béziers est actuellement à 180% de taux d’occupation : “On a plus de 130 personnes au sol en ce moment, c’est-à-dire qu’on fait coucher les gens par terre, quand même. On nous confie des gens que l’on doit garder, on essaie de les garder dans les meilleures conditions mais aujourd’hui c’est impossible.

M. Darmanin prend son poste, il fait des effets d’annonce

Au-delà de la surpopulation, un autre défi majeur reste la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques. Selon le secrétaire local de l’UFAP, c’est là que devrait être la priorité du gouvernement. “Environ 30 % de la population pénale présente des troubles psychiatriques graves. Ces personnes nécessitent des soins lourds et réguliers, souvent incompatibles avec la détention classique. On a des profils très lourds, avec des crises si violentes qu’ils doivent être hospitalisés d’office. Mais après, ils reviennent en prison, où ils cohabitent avec d’autres détenus. Imaginez les tensions que cela peut créer”.

Si, selon David Parmentier, les mesures annoncées par le nouveau ministre de la Justice sont pleines de bons sens, il n’en reste pas moins sceptique. “M. Darmanin prend son poste, il fait des effets d’annonce. Des ministres de la Justice, on en voit passer régulièrement. Nous, on juge par les actes, pas par les paroles, même si ces paroles sont au demeurant plutôt positives“. Et d’ajouter : “Sans moyens humains et financiers, rien ne changera. Les mots peuvent paraître encourageants, mais ce sont les politiques qui ont les leviers en main. Ils doivent aussi réfléchir à quel sens donner à la peine et à savoir ce que la société est prête à accepter.

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