Procès de Deliveroo pour travail dissimulé : une première pour la plateforme
Mardi 19 avril 2022, le tribunal correctionnel de Paris a infligé une amende de 375 000 euros (soit le maximum prévu par la loi), à Deliveroo France, jugée pour "travail dissimulé".
Photo © Ross Sneddon / Unsplash
En effet, la start-up Deliveroo a été reconnue coupable d’avoir employé des livreurs indépendants plutôt que de les salarier entre 2015 et 2017 pour la même infraction. Deux anciens dirigeants ont également été condamnés à douze mois de prison avec sursis et un troisième cadre a été jugé coupable de complicité de travail dissimulé et écope d’une peine de quatre mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende. Le groupe envisage de faire appel.
L’existence d’un pouvoir de direction
La juridiction a considéré que la plateforme est responsable d’“une instrumentalisation et d’un détournement de la régulation de travail”, dans le but d’organiser “une dissimulation systémique” d’emplois de livreurs qui auraient dû être salariés et non indépendants. De plus, la “fraude” mise en place avait pour unique but d’employer “à moindre frais” les livreurs.
En droit, à l’inverse du salarié, le travailleur indépendant exerce une activité pour son propre compte, il dispose d’une autonomie dans la gestion de son organisation, du choix de ses clients et dans la tarification de ses prestations, il n’est pas lié par un contrat de travail avec l’entreprise ou la personne pour laquelle il exécute sa mission. Par conséquent, il n’y a aucun lien de subordination.
Il suffit donc de démontrer ce lien entre le travailleur et le donneur d’ordre pour que le contrat soit requalifié par le juge en contrat de travail. Cependant, en pratique, il est difficile de prouver ce lien de subordination. Ainsi, le triptyque “ordonner, contrôler, sanctionner” permet de prouver l’existence du fait à démontrer (arrêt de la chambre sociale du 13 novembre 1996, Société générale).
En effet, c’est le “pouvoir de direction (formation des livreurs, contrôles, sanctions…)” de la société qui a toujours démenti durant l’audience, au mois de mars, “tout lien de subordination”, qui a permis de confirmer que les livreurs n’étaient pas des travailleurs indépendants.
Par ailleurs, la société Deliveroo a également été condamnée à verser 50 000 euros de dommages et intérêts à chacune des 5 organisations syndicales de salariés (CGT, Union Solidaires, SUD-commerces et services, SUD-commerces et services Île-de-France et Syndicat national des transports légers) qui s’étaient portées parties civiles, pour “préjudice moral”.
La « première condamnation pour travail dissimulé »
“C’est un jugement fort puisque c’est le maximum des peines requises qui a été décidé par le tribunal”, a réagi à la sortie de l’audience Fabrice Angei, de la CGT, ajoutant : “C’est la première condamnation pour travail dissimulé pour Deliveroo. C’est historique.”