Justice — Béziers

Procès du maire de Marseillan : trois ans d'inéligibilité demandés après plus de 7 heures d'audience

Yves Michel, maire de Marseillan, accompagné de six autres personnes, comparaissait devant le tribunal de Béziers ce vendredi 22 novembre. Au cœur de l’affaire : des accusations de favoritisme et de prise illégale d’intérêts liées à l’attribution de marchés publics dans sa commune entre 2010 et 2015.

Une enquête enclenchée par des élus de l’opposition

L’affaire a été portée à l’attention de la justice grâce à un courrier envoyé au procureur de la République de Béziers par des conseillers municipaux d’opposition. Ils y dénonçaient l’attribution répétée de 12 marchés publics à des entreprises locales suspectées d’être en lien avec le maire. Parmi elles, une société spécialisée dans les échafaudages dirigée directement par Yves Michel, et une autre pilotée par un membre de sa famille, un cousin par alliance.

En juin 2020, une garde à vue collective impliquant le maire et plusieurs proches avait marqué un tournant dans l’enquête. Depuis, tous les marchés publics de la période concernée ont été minutieusement analysés, révélant de nombreuses anomalies et irrégularités pour la justice.

Des pratiques contestées

Lors de l’audience, ce matin, plusieurs faits ont été évoqués dont :

  • La réévaluations : certains chantiers, comme celui de la rénovation d’un bâtiment de la police municipale, ont vu leur coût grimper de plus de 40 %, soit une différence de près de 90 000 €.
  • La sous-traitance non déclarée et autorisations absentes : des travaux auraient été réalisés sans avoir été validés en amont.
  • La concurrence faussée : des informations sur les devis d’autres entreprises auraient été communiquées à l’avance.

Un débat qui s’intensifie autour des écoutes téléphoniques

À la mi-journée, le procès a pris un tournant lorsque la présidente du tribunal a évoqué des écoutes téléphoniques troublantes. Ces éléments ont relancé les débats en remettant en question certains arguments avancés par les mis en cause. L’après-midi a été marqué par les plaidoiries des avocats, ainsi que par la remise en cause des conclusions de l’expert mandaté dans cette affaire.

La défense a mis en avant des doutes sur son impartialité, soulignant qu’il aurait eu un conflit d’intérêts avec l’entrepreneur concerné. De plus, l’avocat de la société a insisté sur le fait que cet expert ne s’était jamais rendu sur les chantiers, remettant en cause la crédibilité de ses observations et des estimations présentées au tribunal.

Une défense qui contre-attaque

La société mise en cause a tenu à minimiser son implication, affirmant n’avoir procédé qu’à cinq locations d’échafaudages dans le cadre des marchés publics incriminés. Lors des plaidoiries, Me David Mendel, l’avocat de Yves Michel, a décrit le maire comme une victime d’un acharnement politique, déclarant : « Aujourd’hui, sont devant vous des gens honnêtes. Un maire que l’on a jeté en pâture parce que des opposants politiques ont instrumentalisé le public. »

L’avocat a tenu à contextualiser l’affaire, soulignant que sur les 400 chantiers réalisés entre 2010 et 2015, seuls 12 avaient été jugés litigieux, et parmi eux, cinq concernaient la société du maire. Il a également dénoncé la durée de l’enquête, qui s’est étalée sur 11 ans, pour finalement, selon lui, démontrer que l’accusation reposait sur des bases fragiles : « Tout est bidon dans un dossier rempli d’erreurs orientées pour qu’il ne puisse plus se représenter devant ses électeurs. »

Un maire qui dénonce un acharnement

Face aux accusations, Yves Michel a exprimé son incompréhension face à ce qu’il considère comme un réquisitoire disproportionné. Il a rappelé que les sommes en jeu pour la société concernée étaient insignifiantes : « Pour la société SEM, cela représente 0,3 % du chiffre d’affaires, soit environ 300 euros de résultat net sur une période de six ans. » Il a conclu en soulignant qu’il était difficile de qualifier ces chiffres de preuve d’un intérêt personnel ou d’un favoritisme avéré.

Des réquisitions lourdes contre les principaux mis en cause

Le ministère public a formulé des réquisitions fermes. Il a demandé 16 mois de prison avec sursis à l’encontre du maire, Yves Michel, assortis d’une amende de 15 000 € et d’une peine complémentaire de 3 ans d’inéligibilité.

Pour les deux gérants de la société bénéficiaire des marchés publics, qui sont par alliance des proches du maire, le parquet a requis 11 mois de prison avec sursis, une amende de 10 000 € chacun, ainsi qu’une sanction financière pour leur entreprise, soit 80 000 € d’amende, dont la moitié avec sursis.

Les cadres municipaux n’ont pas été épargnés : le directeur général des services et le directeur des services techniques risquent chacun 8 mois de prison avec sursis, tandis que 3 mois de sursis ont été requis contre les deux maîtres d’œuvre impliqués. L’un d’entre eux, ayant reconnu les faits, pourrait également être condamné à une amende de 10 000 €. Tous les avocats ont demandé la relaxe, à l’exception de Me Iris Cristol, dont le client avait reconnu les faits.

Verdict attendu en décembre

Après 11 ans d’enquête et plus de 7 heures d’audience, la tension est palpable dans cette affaire. La présidente du tribunal a finalement annoncé que le verdict serait rendu le 20 décembre prochain, laissant un mois pour analyser les arguments de chacun. Affaire à suivre.

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