Quand le hashtag #FreeBritney trouve enfin un écho au tribunal
Impossible de lire la presse ces derniers jours sans voir de titres concernant Britney Spears et l’avancée vers sa libération. Elle n’était pas en prison certes, pourtant elle était enfermée.
Britney Spears était enfermée par l’emprise qu’exerçait son père depuis 2008 sur elle, non pas au titre de père mais en tant que tuteur. La semaine dernière, un tribunal de Los Angeles a enfin décidé de retirer à ce dernier la tutelle de sa fille. Cela sonne la fin des treize dernières années de souffrance vécues par cette femme de quarante ans seulement.
De quoi s’agit-il ?
En France, l’article 425 du Code civil dispose qu’une personne qui se trouve dans l’impossibilité de veiller à ses intérêts personnels à cause d’un trouble mental ou physique peut bénéficier d’une mesure de protection judiciaire. Parmi les mesures judiciaires de protection d’un majeur, existe celle de la mise sous tutelle. Les personnes concernées le sont généralement en raison de l’altération de facultés mentales les menaçant au quotidien. Le but premier de la tutelle est donc de désigner un tiers, le tuteur, afin de protéger ce majeur de ses propres actes et décisions dans la vie courante et pour des choix plus lourds de gravité.
Quels sont les effets de la mise sous tutelle ?
Le tuteur intervient au quotidien dans la vie de celui qu’il doit protéger, beaucoup d’actes de la vie courante ne peuvent se passer de son aval dès lors qu’ils révèlent d’une certaine importance. Cependant, cette mise sous tutelle spécifique était hors norme dans sa concrétisation et outrepassait les limites légales. Elle ne peut en effet qu’être jugée abusive au regard des révélations qui ont été faites ces dernières années et confirmées à la lecture du dossier judiciaire de Britney Spears. Son père, James Spears, s’est arrogé le droit de contrôler l’ensemble de ses décisions personnelles. Cela s’illustre notamment par le biais du contrôle qu’il exerçait sur l’ensemble de son patrimoine ou encore par sa liberté plus que restreinte quant à ce qu’elle était en droit de partager sur ses propres réseaux.
Cette tutelle était démesurément intrusive au point que Britney Spears n’était pas même en droit de choisir ses repas, d’écouter ses musiques, de décider de la couleur de ses placards, et encore moins en droit de choisir qui elle fréquentait. Britney Spears a perdu toute autonomie face aux décisions arbitraires de son père. Au delà de son autonomie, c’est en réalité sa parole qui lui a été ôtée. Depuis treize ans maintenant, cette célébrité a été contrainte de se murer dans le silence face à l’injustice. Une injustice humaine car son père refusait de lui accorder du crédit et que le reste du monde lui était impossible d’accès lui ôtant ainsi sa dignité, mais également une injustice juridique à proprement parler.
En effet, même les tribunaux des États-Unis rejetaient toute demande de témoignage. Ce n’est qu’en juillet 2021 que Britney Spears a obtenu pour la première fois de la justice la possibilité d’avoir recours à son propre avocat. Avant lors, même ce droit fondamental lui était refusé au nom de la mise sous tutelle. Depuis quelques mois, nous assistons donc à un véritable combat médiatique et juridique pour que Britney Spears fasse valoir ses droits.
Que s’est-il passé pour celle que l’on surnomme La princesse de la pop ?
Cette célébrité désormais internationale a fait ses premiers pas dans le monde du show business dans l’émission Mickey Mouse Club aux États-Unis alors qu’elle avait tout juste huit ans. Très vite elle est regardée, pour ne pas dire scrutée, suivie, critiquée, jugée mais surtout adulée. Elle reçoit de nombreux prix tels que les Grammy Awards au titre de “la révélation de l’année” en 1998 ou encore de la “meilleure chanson féminine”. Tous voient en elle la star de demain. Très vite cette vie “d’enfant star” ne l’épanouit plus. Son image est instrumentalisée, chosifiée et sexualisée par les grandes chaines, les publicités et ses clips musicaux. Elle enchaîne des mariages ratés, des gestes violents à l’encontre des paparazzis, des scènes qui se veulent volontairement choquantes et déplacées, des dépressions et des hospitalisations. En janvier 2008 alors que cette dernière est hospitalisée, son père, James Spears, obtient sa mise sous tutelle sous de strictes conditions.
Ses revendications non entendues
De nombreuses manifestations ont eu lieu depuis des années portant le slogan “Free Britney”. Des pancartes ont été hissées à bout de bras par ses fans, des documentaires alarmants sont sortis, des témoignages ont été recensés et pourtant, la mise sous tutelle n’a pas cessé. C’était à proprement parler sa liberté qui était exigée et qui devait lui être rendue, la possibilité de jouir de ses droits en tant que citoyenne, que personne physique et non d’objet. Cette bataille publique, qui se trouve aujourd’hui encore sur de nombreux réseaux sociaux comme Instragram, a réellement pu faire avancer les choses.
Prendre la parole ne lui était pas permis, c’est pourquoi ses fervents supporteurs l’ont fait à sa place. À ce titre, il est possible de parler d’une « offensive judiciaire ultra médiatisée ». Pourtant ces dernières années, Britney Spears n’a cessé de tenter d’alerter les autorités sur cette tutelle abusive dont elle souffrait. Elle raconte dès qu’elle en a l’occasion à la presse des éléments plus que douteux qui auraient dû avoir un écho auprès de la justice américaine. Elle avoue notamment que durant ces années de cauchemar, elle n’avait pas eu le droit de se faire retirer son stérilet alors même qu’elle désirait avoir des enfants, elle n’avait pas pu choisir de se marier, elle avait été contrainte de prendre des médicaments qui avaient pour seul effet de l’endormir et tout cela sous les seuls ordres de son tuteur, de son père ou plutôt de son despote. Le 23 juin dernier, Britney Spears réclamait lors sa plaidoirie au tribunal de Los Angeles « Je veux juste qu’on me rende ma vie. Cela fait 13 ans et ça suffit ! ». Pourtant il aura fallu attendre fin septembre 2021 pour que James Spears admette dans un document juridique qu’il devait être retiré de la tutelle.
Et aujourd’hui ?
Britney Spears approche les quarante ans et pourtant, elle jouissait jusqu’alors de l’autonomie d’un mineur non émancipé. Pour fêter cette liberté, Britney Spears a décidé dans la foulée de se fiancer, de s’offrir une nouvelle maison ou encore de poster des photos d’elle presque nue sur ses réseaux sociaux. Des actes provocateurs ou la reprise en main de sa vie telle qu’elle entend la mener ? C’est difficile à dire. Si la mise en tutelle reste toutefois en vigueur jusqu’à nouvel ordre, son père ne peut plus gérer la vie privée de sa fille de la même façon et brimer ce type d’actions. En effet, ce n’est pas la mise sous tutelle qui pose problème mais celui qui l’exerce et sa façon de le faire. Le tuteur se veut protecteur et Britney Spears semble avoir besoin de cet encadrement au regard de la jeunesse qu’elle a subie. Cela justifie le débat toujours en vigueur reposant sur le tiers qui endossera désormais ce rôle de tuteur.
Qu’en conclure ?
Cet événement prouve une fois encore les possibles dérives de l’interprétation et de l’utilisation des droits et des devoirs dont nous jouissons. Cependant, il est indéniable de remarquer qu’un nouveau terrain de justice tente de se se frayer un passage d’années en années : celui mené par les réseaux sociaux, par les hashtags, par Twitter, partout où la parole est libérée et où tout un chacun a la place et donc le droit de se faire entendre.