Politique — Département Hérault

Restrictions budgétaires dans l'Hérault : la culture claque des dents

La saison culturelle de Bayssan, l’opération Lire à la mer ou l'extension du musée Fabre… Voici quelques-unes des potentielles victimes de l’effort budgétaire de 5 milliards d’euros demandé par l’Etat aux collectivités territoriales.

Depuis plusieurs semaines, le bras de fer est rude entre l’Etat et les collectivités territoriales. L’objet de la discorde : le projet de loi de finances 2025, désormais entre les mains des sénateurs jusqu’au 12 décembre. Et que le premier ministre Michel Barnier menace de faire passer en 49.3. 

Tandis que les collectivités tentent de boucler leurs budgets de 2025 – qui doivent être votés à l’équilibre – le gouvernement veut leur imposer un effort budgétaire de 5 milliards d’euros. Un montant qui n’est pas encore gravé dans le marbre mais qui inquiète déjà en plus haut lieu

Pour le président du conseil départemental de l’Hérault, Kléber Mesquida, le manque à gagner serait de 103 millions d’euros. Même si rien n’est encore sûr, car le vote du budget 2025 qui devait avoir lieu en début d’année est reporté à mars prochain. 

Le secteur culturel pourrait alors être l’un des premiers à en pâtir. “On ne peut plus financer le sport, la culture et les associations”, avait confié M. Mesquida à nos confrères de la Gazette. Contacté par le Hérault Juridique et Économique, le conseil départemental a décliné notre demande d’interview. Mais ce qui est depuis de notoriété publique, c’est que la Scène de Bayssan va terminer sa saison au dernier trimestre 2025. Et ce n’est que la partie immergée de l’iceberg. 

L’extension du musée Fabre reportée  

C’est à peu près acté que nous allons devoir reporter l’extension du musée Fabre”, révèle Éric Penso, délégué à la culture à la métropole de Montpellier. Même s’il est un peu tôt pour annoncer tout ce qui sera officiellement reporté, annulé ou maintenu, l’inquiétude est là. Une série de réunions est prévue en janvier pour faire des arbitrages. “Nous sommes déterminés à sanctuariser et préserver l’existant mais nous ne pourrons pas lancer de nouveaux projets”, explique M. Penso qui est aussi maire de Clapiers. Il précise que les élus des petites communes seront moins impactées que les grandes métropoles ou les départements.

Justement au niveau du département, c’est l’opération “Lire à la mer”, qui a lieu l’été sur les plages de Frontignan et de Palavas-les-Flots, qui pourrait être menacé. “Ces dispositifs, qui relèvent d’un volontarisme politique plus que d’une compétence obligatoire du département, seront les premiers touchés par les mesures d’économie”, assume Jean-André Ithier, directeur de la lecture publique départementale, qui précise que “rien n’est encore fait.” Des arbitrages sont actuellement en cours. Mais la ligne de conduite est claire : se recentrer sur les compétences obligatoires du département, comme les missions sociales, les collèges ou les routes départementales. 

Nous comprenons que ce qui semble pouvoir relever du luxe soit remis en cause pour se concentrer sur ce qui est absolument vital. Le département prenait en charge des actions qui allaient au-delà de ses compétences obligatoires, ce sera moins le cas dans les prochaines années”, anticipe M. Ithier. Des prises de position qui sèment le doute et l’incertitude chez les acteurs culturels. Beaucoup refusent de répondre à nos questions tant que le budget du département n’est pas fixé et que le PLF n’est pas voté. 

Les festivals et compagnies dans le rouge 

Comme un SOS d’une organisation en détresse, le festival de poésie Voix Vives de Sète a publié un appel aux dons afin de sauver cet événement. “Nous ne nous attendons pas à avoir des hausses de subventions”, s’inquiète Maïthé Vallès-Bled, directrice du festival. “Je crains de devoir le raboter. Les dates sont arrêtées mais la question est de savoir dans quelles conditions nous allons l’organiser”, continue cette actrice culturelle sétoise, qui remplit actuellement des dossiers de financements. “Nous aurons des réponses au printemps prochain, quelques semaines avant le festival. Nous ne savons rien et c’est cette incertitude qui nous pèse”. 

Même constat pour Clara Villalba, directrice artistique du festival de danse Ex Movere, qui précise que les conditions de travail se sont déjà dégradées ces dernières années. “Nous ne bénéficions plus du prêt de matériel technique et nous avons eu la moitié de notre budget en moins l’année dernière”, explique la jeune chorégraphe, qui est en train de préparer la troisième édition de son festival. “Avec l’inflation, si nous n’avons pas de subventions à hauteur de nos besoins, nous allons devoir aller chercher des mécènes privés”, anticipe-t-elle. 

Pour le moment, elle a aussi la tête dans la paperasse pour obtenir des subventions et essaie de voir comment obtenir des recettes par la vente de billets. “C’est compliqué de se projeter sereinement”, estime-t-elle. D’autant plus qu’elle remarque que les compagnies n’arrivent plus à tourner car les lieux n’ont plus les moyens d’acheter les spectacles. “Nous devons revoir les prix de nos spectacles et leur production à la baisse pour avoir moins d’artistes à rémunérer”, explique-t-elle. 

Des centaines d’emplois voués à disparaître ? 

Dans la région Occitanie, 38 structures culturelles adhérentes du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) représentent environ 560 salariés et 140 intermittents du spectacle. “Potentiellement une partie de ces emplois pourraient être détruits dès l’année prochaine”, s’inquiète Sandrine Mini, déléguée régionale du syndicat. 

Nous allons rentrer dans un système de licenciement des intermittents. Et si ces derniers perdent leur statut, ils iront au RSA qui est à la charge du département”, rebondit Samuel Mathieu, délégué du Syndeac Occitanie.

Sans compter les impacts indirects alors que toute une chaîne est concernée, de la société de location de matériel jusqu’au restaurant du village. “Ça va être un bain de sang ! Au niveau de ma propre structure, nous payons 40 000 nuits d’hôtels et 3 500 repas par an au minimum”, prend pour exemple Sandrine Mini, qui croise les doigts. Même si, réaliste, elle s’attend déjà à des restrictions sur la durée des festivals ou sur leur programmation.

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