Saint-Aunès : Ecomatelas, l'économie circulaire sort de son sommeil
Fondée en 2017 à Saint-Aunès, près de Montpellier, EcoMatelas a vu le jour pour ressusciter des matelas que tout le monde préférait oublier.
En France, chaque année, entre 5 et 6 millions de matelas finissent à la poubelle, un gaspillage colossal quand on sait qu’ils peuvent encore offrir des années de confort. Forts de 30 ans d’expérience familiale dans la literie et inspirés par le succès des téléphones reconditionnés de Back Market, Jérémie Adjedj, son frère Sébastien et leur oncle ont imaginé une solution unique en France : récupérer les matelas auprès d’hôtels, de distributeurs comme Conforama ou But, ainsi que des fins de série des fabricants, pour les reconditionner grâce à une technologie brevetée de désinfection sans produits chimiques, validée à 99,9 % par Bureau Veritas.
Avec un chiffre d’affaires de 1,2 million d’euros en 2022, la PME est rentable depuis ses débuts. EcoMatelas ne se contente pas de dormir sur ses lauriers : après avoir atteint 1,9 million d’euros en 2023, elle vise un chiffre d’affaires de 2,9 millions d’euros en 2024. Le soutien de Recyc’Matelas Europe, qui a acquis l’entreprise en février 2023, et l’évolution législative favorable, notamment la loi Agec qui pousse au réemploi, sont des éléments clés de cette expansion.
Jérémie Adjedj attribue le succès de l’entreprise à des atouts qui sont le socle – ou plutôt le sommier – de l’entreprise : des matelas deux à trois fois moins chers que les neufs, une approche résolument tournée vers l’écologie et une demande en constante croissance. Avec ces ressorts, EcoMatelas se rêve comme un leader de l’économie circulaire et réveille le secteur du sommeil.
L’interview : Jérémie Adjedj, cofondateur et directeur général d’Ecomatelas
Quelle influence l’acquisition d’EcoMatelas par Recyc’Matelas Europe a-t-elle sur votre stratégie et vos opérations ?
Ce rapprochement stratégique nous a ouvert l’accès à un stock presque illimité de matelas de qualité. Recyc’Matelas Europe sélectionne les meilleurs matelas pour nous, en fonction de notre cahier des charges. Ils nous ont aussi aidés à industrialiser notre procédé de reconditionnement, ce qui nous permet de viser une production mensuelle de plus de 1 500 matelas dans notre usine de Montpellier. Leur soutien quotidien, en termes de ressources humaines, de finances et de responsabilité sociétale, renforce notre base tout en nous permettant de rester fidèle à notre vision initiale. Véritable partenaires, ils nous aident dans la poursuite de nos ambitions : devenir un acteur majeur de la literie en France, avec environ 30 salariés d’ici 2026, et un impact écologique notable.
Comment les partenariats avec des éco-organismes et la loi Agec soutiennent-ils vos objectifs de croissance ?
Les partenariats avec des éco-organismes comme Valdelia sont essentiels pour nous fournir les matelas nécessaires à notre activité. En tant qu’exutoire officiel pour la filière, nous sommes un acteur clé de l’économie circulaire. Chaque année, nous voyons notre chiffre d’affaires BtoB croître, notamment grâce à la loi AGEC, qui impose aux acteurs publics d’acheter des biens issus du réemploi. Grâce à cette loi qui va dans le bon sens et permet d’encourager l’économie circulaire, nous avons donc de plus en plus d’opportunités commerciales.
En plus de la notion du réemploi, celle de dépense énergétique entre un peu plus en ligne de compte chaque année. Et les chiffres de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) sont clairs : un matelas neuf génère en moyenne 250 kg de CO2. Nos matelas ont un impact environnemental plus faible. Un organisme tiers a récemment mesuré un gain environnemental moyen de 59 % par rapport aux matelas neufs.
Comment répondez-vous aux préoccupations concernant l’hygiène et la durabilité des matelas reconditionnés ?
Notre procédé breveté assure une désinfection des matelas à 99,9 %, vérifiée par Bureau Veritas. De plus, nous sommes labellisés “Bed Bug Protect” par l’INELP, ce qui indique que notre processus permet d’éliminer 100% des punaises de lit éventuelles. Nous n’avons jamais rencontré de punaises de lit, car nous choisissons nos matelas traités, mais nous avons voulu écarter tout risque ou doute avec notre procédé.
Récemment, notre best-seller a été testé par UFC-Que Choisir et classé 12ᵉ sur 94 matelas, notamment pour sa longévité, évaluée comme ”très bonne”. Le fait est que nos matelas ont une durée de vie moyenne de 7 ans, contre 10 pour un matelas neuf. C’est une excellente durabilité pour un produit dont le prix est 30 à 50 % inférieur à celui des matelas neufs. C’est pour cela aussi que nos clients sont en majorité des primo-accédants (jeunes actifs), des acheteurs de la classe moyenne avec un budget limité et des CSP+ à la recherche de produits écoresponsable
Quels leviers de croissance et projets de développement avez-vous pour atteindre vos objectifs pour 2024 et au-delà ?
D’abord, l’ouverture d’une boutique à Fresnes, en Île-de-France, va nous aider à gagner en notoriété nationale. D’ici à 2026, l’ouverture d’un deuxième site de reconditionnement nous permettra d’atteindre une capacité de 5 000 matelas reconditionnés par mois, soutenant ainsi les cinq boutiques que nous prévoyons d’ouvrir et donc de vendre toujours plus de matelas.
En ligne, nous continuons à investir dans la pédagogie et la communication numérique pour attirer davantage de clients ; notre site web devrait représenter 70 % de notre chiffre d’affaires en 2024. Notre objectif : devenir une alternative sérieuse au neuf sur le marché de la literie, à l’image de Back Market sur la téléphonie.
Puis, il y a le développement du produit. Nous pensons mener des partenariats avec des kinésithérapeutes et des ostéopathes – déjà très prescripteurs de nos produits en région – pour montrer que nos produits sont aussi confortables que le neuf pour favoriser une bonne position et un bon sommeil la nuit. Enfin, nous travaillons actuellement sur le lancement du premier matelas en ressorts ensachés reconditionné.