Saint-Aunès : interview exclusive de Pierre Mestre, fondateur d’Orchestra, "Je crois en la résilience de notre modèle"
Peu bavard dans les médias, Pierre Mestre se confie, lors d’un entretien réalisé le 11 mai au Domaine de Verchant, son refuge aux portes de Montpellier. Après le redressement judiciaire de son entreprise Orchestra (articles de puériculture et mode enfantine, Saint-Aunès), place désormais à NewOrch. Et à de nouveaux défis : digitalisation, RSE, relocalisation d’une partie du sourcing…
Interview…
Pierre Mestre, il y a deux ans, NewOrch a repris Orchestra face à l’offre du Saoudien Al-Othaim, à la barre du tribunal de commerce de Montpellier. Que retenez-vous de cette séquence, qui a été très médiatisée ?
Pierre Mestre : “Nous avons été choisis après une bataille homérique, pour racheter les principaux actifs. Notre proposition était la meilleure en termes d’emplois, de business plan et de prix payé à la procédure. En tout, 70 M€ ont été injectés au titre du rachat de ces actifs et de la reprise d’un certain nombre d’engagements. Je n’ai pas fait de casse, et n’ai pas repris pour un euro, comme il a pu être écrit ici ou là. Je rappelle que NewOrch, créé par 110 actionnaires, est détenu à 40 % par les principaux fournisseurs et franchisés, à 40 % par la famille Mestre et à 20 % par des actionnaires financiers”.
NewOrch clôture son premier exercice, sur 18 mois. Malgré la crise Covid et la guerre en Ukraine, les objectifs sont-ils atteints ?
Pierre Mestre : “Les objectifs quantitatifs et qualitatifs du business plan ont été tenus. Le chiffre d’affaires atteint 636,7 M€, le résultat net 82 M€. Notre endettement financier est de l’ordre de 80 M€, dont un PGE de 25 M€, et la trésorerie s’élève à 55 M€. Les salariés se sont battus. Le réseau est intrinsèquement rentable. L’an dernier, nous avons ainsi reversé 2 M€ à nos salariés dans le cadre d’un accord d’intéressement. C’est le signe que la situation financière est redevenue saine. Le groupe, qui compte 430 magasins dans 10 pays, dont les deux tiers en succursales, emploie 3.000 salariés (dont 2.000 chez les franchisés)”.
Quel est l’objectif pour cette année ?
Pierre Mestre : “Sur 12 mois, nous ciblons environ 450 M€ de CA, avec un excédent brut d’exploitation de 35 M€ et un résultat net de 10 M€. Nos deux budgets d’investissements les plus importants, pour l’année 2022, portent sur l’amélioration des outils informatiques, pour délivrer une information rapide et précise aux clients sur les stocks effectivement disponibles, et sur la rénovation du parc de magasins. Sur ces deux sujets, 3 à 4 M€ sont investis”.
Quels sont votre titre précis à NewOrch, et le mode de gouvernance ?
Pierre Mestre : “Je suis PDG et DG délégué commerce. Le comité de direction a été resserré. La restructuration a permis de donner leur chance à d’anciens cadres supérieurs, qui sont devenus cadres dirigeants”.
Quels sont les impacts, sur votre activité, de l’augmentation des prix et des difficultés d’approvisionnement ?
Pierre Mestre : “Les prix de revient du coton, de la laine, de l’acrylique, du métal, du bois, du papier, des cartons… explosent. Sans compter les transports. Le prix des containers a été multiplié de 5 à 10. Un container entre Shanghai et Marseille est passé de 1.800 à 15.000 dollars ! Nous sommes obligés de répercuter une partie de ces hausses aux consommateurs. Et cette conjoncture modifie notre carte du sourcing. S’il n’y a pas de relocalisation à prévoir pour le vêtement, c’est le cas, partiellement, pour la puériculture, dont les articles sont plus lourds et coûteux. Une partie est rapatriée en Europe de l’Est et en France, pour les sièges auto, les matelas ou les chaises hautes en bois.”
Quelques exemples ?
Pierre Mestre : “Nous avons relocalisé une partie de la fabrication des sièges auto dans la Vallée du Rhône (marque Nania), des chaises en bois à Aurillac (Maison Combelle) ou des matelas à Nantes (Candide)”.
Certaines sources parlent d’un projet de cession de NewOrch. Votre réponse ?
Pierre Mestre : “Les actionnaires sont à l’écoute de toute discussion qui pourrait renforcer l’entreprise : partenariat, entrée au capital, renforcement des capitaux propres… Nous avons mandaté la banque Rothschild en ce sens”.
Le climat social est-il apaisé, après les turbulences de 2019-2020 ?
Pierre Mestre : “Nous avons retrouvé de l’attractivité. On reçoit d’ailleurs beaucoup de candidatures spontanées. La politique RSE est dynamique. Une cafétéria de 300 m2 vient d’ouvrir au siège social à Saint-Aunès, en partenariat avec les Halles Solanid. Une carte bio y est proposée, à des tarifs préférentiels. Pour le réseau, les tickets restaurant ont été triplés. Et un accord d’intéressement est mis en place”.
Croyez-vous encore en votre modèle de réseau de magasins physiques, alors que les mamans d’aujourd’hui semblent de plus en plus tournées vers l’achat digital ?
Pierre Mestre : “Je crois en la résilience de notre modèle, qui est hybride. Quelles sont les attentes des mamans d’aujourd’hui ? Le choix, le prix et la rapidité de livraison. La densité de notre réseau est un atout pour répondre à ces attentes. On peut venir au magasin pour le SAV : échange d’un vêtement, prêt d’une poussette si celle que l’on a achetée est cassée… On me parle souvent d’Amazon. Mais Amazon propose moins de marques que nous sur notre marché, en particulier en puériculture, qui est un métier sélectif. En tant que multi-spécialistes, nous avons nos propres marques, Orchestra, Prémaman, Baby Care, Babyzen… Je constate par ailleurs qu’Amazon investit dans le retail pour se rapprocher de ses clients, comme avec le rachat des supermarchés bio Whole Foods Market en 2017″.
Avez-vous rattrapé votre retard sur le digital ?
Pierre Mestre : “Le digital continue à progresser : il pèse désormais 25 % du CA, dont 8 à 9 % de ventes Internet pures. L’achat numérique englobe plusieurs services : prises de commandes en magasin, préparations en magasin, listes de naissance, adhésions au Club Orchestra… L’outil digital rend notre modèle beaucoup plus souple. Les commandes peuvent être prises sur PC, smartphone ou tablette, à domicile, dans la rue, ou même sur le point de vente. Elles sont préparées à l’entrepôt et dans beaucoup de magasins. Et les lieux de livraison se démultiplient aussi, entre domicile, points relais et magasins. Cette souplesse fait que la cliente ne repart pas les mains vides de son déplacement. Si elle ne trouve pas de poussette dans le magasin, l’article lui sera livré depuis un magasin voisin. Nos vendeuses travaillent sur la base articles de la totalité du groupe”.
Quelle est la touche créative de la collection d’été 2022 ?
Pierre Mestre : “Nous restons fidèles à nos fondamentaux : une marque colorée, méditerranéenne, avec du peps et de la gaieté. C’est la raison pour laquelle nous avons du succès sur le pourtour méditerranéen, et moins en Europe du Nord (sourire)”.
Quel est le rôle de l’entrepôt de Lunel, ouvert en 2021 ?
Pierre Mestre : “Il est affecté au reconditionnement. Ce site, qui emploie 60 salariés, permet de trier les produits revenant de magasins, pour les présenter à nouveau aux clients la saison suivante”.
Souhaitez-vous repartir sur un schéma de croissance à tout prix, comme dans les années 2000/2010 ?
Pierre Mestre : “Je préfère approfondir nos opérations actuelles. Il y a quelques rénovations de magasins, des déplacements ou agrandissements, de très rares ouvertures, comme à Ajaccio. Mais la croissance ne fait pas partie des priorités, comme c’était en effet le cas auparavant”.
Vous arrivez à vous y faire ? Vous êtes un entrepreneur né, la volonté de croître semble innée chez vous…
Pierre Mestre : “Avec l’âge, on s’assagit (sourire). L’entreprise repart sur des bases assainies. C’est le plus important. Nous sortons d’un régime sévère. Le regroupement logistique à Arras, avec la fermeture de la plateforme de Saint-Aunès (désormais occupée par Via Post, NDLR), nous permet d’économiser 4 M€ par an. Nous sommes aujourd’hui présents dans 10 pays, au lieu de 40 voici dix ans. Il y a deux ans, nous avons fermé la moitié des pays (Russie, Chine, États-Unis, Canada, Italie, Portugal…) et un tiers des magasins. Toutes les surfaces trop petites, les loyers trop élevés, les filiales déficitaires ont fermé.
Cela dit, la demande est là ! Malgré la croissance économique atone, l’enfant est toujours un peu préservé des turbulences de la consommation. C’est la dernière partie du budget sur laquelle les familles se privent…”
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Le Verchant d’antan magnifié dans un livre
Plus de 2 000 ans d’histoire, ça se raconte. Propriétaire, avec son épouse Chantal, du Domaine de Verchant (hôtel 5 étoiles, restaurant et spa La Plage, espaces de séminaires et de réception, Castelnau-le-Lez), Pierre Mestre a confié à Caroline Redon Jauffret, journaliste spécialisée dans l’univers du vin, de la gastronomie et des parfums, la rédaction de l’ouvrage Domaine de Verchant, un voyage dans le temps (éd. ediSens). « Villa romaine, métairie, exploitation viticole, folie montpelliéraine, maison familiale, hôtel étoilé, la longue vie du domaine de Verchant, né il y a plus de 22 siècles, est un territoire précieux, hors du temps, situé aux portes de Montpellier », indique la 4e de couverture. L’ouvrage, qui regorge de détails et photographies sur le Verchant d’antan, devrait être prochainement disponible dans les rayons des librairies montpelliéraines.
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Cet homme est horrible ….. un menteur ….. fermer des magasins rentables c est gagner de l argent….