Saint-Jean-de-Fos : un châtelain hypnotiseur accusé de viols et d’agressions sexuelles par 17 femmes
Gilbert Gréaux, 79 ans, est jugé du lundi 2 au vendredi 6 décembre à la cour d’assises de l’Hérault pour avoir violé et touché sexuellement des femmes pendant plus d’un an selon un mode opératoire similaire : après un repas alcoolisé à son château et une séance d’hypnose collective, il invite des femmes à une séance individuelle de magnétisme où elles se retrouvent nues sur la table de massage.
Dos courbé dans le box vitré des accusés, Gilbert Gréaux écoute le long rappel des faits du président de la cour d’assises de l’Hérault, Didier Guissart, sans le lâcher du regard. « Massage au niveau du pubis », « il lui a demandé de se dévêtir », « il lui a écarté les jambes puis les lèvres, il lui a massé le clitoris puis les seins », « l’agresseur respirait de plus en plus fort », « elle a senti son doigt toucher son sexe à travers la culotte », « un doigt dans son vagin », « la porte était fermée à clé », « des souvenirs confus en raison de consommation d’alcool ». Les détails sont précis et crus.
M. Guissard décrit un mode opératoire qui se répète : le guérisseur autoproclamé invite une femme à une séance individuelle de magnétisme où il exige qu’elle soit nue, après un dîner alcoolisé et une séance d’hypnose collective dans son domaine viticole à Saint-Jean-de-Fos, transformé en table d’hôte.
Au total, 17 femmes femmes ont porté plainte pour viols et agressions sexuelles qui auraient eu lieu entre 2013 et 2015. À l’issue de ce procès qui a commencé ce lundi 2 décembre et qui va durer toute la semaine, l’accusé de 79 ans risque jusqu’à 15 ans de prison pour les faits de viol.
Après sa longue tirade dictée d’un ton calme et posé, le président de la cour d’assise lui demande simplement : « comment entendez-vous vous positionner par rapport à ces accusations ? ». Gilbert Gréaux, emmitouflé dans une doudoune noire, se lève et déclare : « Je conteste toutes ces accusations. Je n’ai jamais commis les choses dites. » Lui estime que les plaignantes font la confusion entre les sensations d’effleurement dus au magnétisme, et le fait de réellement toucher la peau.
Condamné à 13 ans de prison par contumace en 2022
Une position qu’il maintient depuis sa garde à vue en 2015. Quelques mois plus tard, le domaine est vendu, alors que M. Gréaux et sa femme sont partis en Floride en août 2015 pour rejoindre leur fils, sans respecter le contrôle judiciaire qui lui imposait de se présenter une fois tous les 15 jours à la gendarmerie de Gignac.
Il a donc été condamné en son absence en février 2022 à 13 ans de prison. Lui continue de répéter qu’il n’avait pas pu être présent pour des raisons médicales. « J’avais eu un infarctus. »
Sous le coup d’un mandat d’arrêt international depuis le 4 décembre 2018, il a finalement été arrêté aux États-Unis le 25 septembre 2023 puis extradé sur le sol français deux mois plus tard. C’est donc un an plus tard qu’il passe à la barre. Car la condamnation de février 2022 a été effacée par son arrestation. Le procès reprend donc à zéro.
« C’est excessivement difficile pour les plaignantes qui doivent se replonger dans des faits qui ont près de 10 ans », commente Me Marion Bar, avocat de quatre des plaignantes, dont un couple de femmes qui a été victime. « C’est éprouvant pour elles car c’est la première fois qu’elles reverront leur agresseur. »
Une première condamnation à Saint-Barthélémy
Mais ce n’est pas la première fois que le guérisseur autoproclamé et autodidacte se retrouve devant la justice. En 2004, il avait déjà été condamné à deux ans de prison avec sursis par la cour d’appel de Basse-Terre en Guadeloupe pour des faits d’agressions sexuelles à l’encontre de cinq femmes, commis à Saint-Barthélémy où il a habité une vingtaine d’années – toujours dans le cadre de ses activités de magnétiseur ou d’hypnotiseur.
« Mon père était né là-bas, j’avais un terrain donc nous sommes partis en famille après le décès de notre fils aîné en 1988 », explique l’homme aux cheveux mi-longs et à la barbe blanche. Le président rebondit : « En l’état de cette condamnation, que vous contestez, comment avez-vous renouvelé cette pratique de l’hypnose en métropole ? »
M. Gréaux reconnait qu’il a fait « une grosse erreur ». « J’étais sûr de moi, l’hypnose est un domaine fantastique que je voulais partager et montrer que c’était quelque chose de merveilleux pour soigner les douleurs. Je me suis senti chargé de mission pour en faire profiter les gens que je rencontrais, c’était une façon de distribuer le bien autour de moi. J’ai des milliers de témoignages qui sont favorables pour soigner le zona ou les coups de soleil », explique M. Gréaux, qui admet une nouvelle fois que « c’était une erreur de pratiquer tout seul » alors qu’il est autodidacte. Il a expliqué s’être intéressé à l’hypnose il y plus de 25 ans, quand il a assisté à une démonstration où il a vu onze personnes s’endormir dont sa femme.
Lors de l’audience, plusieurs proches de la famille Gréaux expliquent avoir eu cette sensation d’effleurement après la séance en présence d’autres personnes qui assurent qu’il ne les avait pas touchés.
Détention difficile
Cette première audience tournait principalement autour du profil et de la personnalité de M. Gréaux. Il a été décrit comme un homme d’affaires à succès, qui est passé de l’automobile à l’immobilier en passant par la restauration et qui forme un couple fusionnel avec sa femme, Josette, depuis l’adolescence.
« Il souffre d’une impuissance sexuelle depuis 2008 suite à son cancer. Il n’a plus de libido, le désir s’est éteint au fil du temps mais il explique avoir développé une autre sexualité sans frustration composée de caresses », explique l’experte qui a réalisé l’enquête de personnalité, qui évoqué un « souvenir d’un curé qui lui touchait les fesses ».
Aujourd’hui, M. Gréaux assure avoir « des problèmes de mémoire » et de « démence sénile » mais aussi souffrir de diabète. « Je vois plusieurs personnes pour soigner mon diabète et un psychologue car j’ai du mal à supporter la détention car je sais que je ne suis pas coupable », assure-t-il.
Mais le plus dur pour lui est la séparation avec sa femme depuis un an. « J’ai beaucoup de mal en détention, c’est très difficile à vivre. On s’approche tous les jours de la fin avec mon épouse », lance M. Gréaux dont la femme vient le voir en détention trois fois par semaine.
La suite du procès va continuer jusqu’à vendredi 6 décembre, avec l’audition des parties civiles mercredi puis la plaidoirie des avocats et les réquisitions du ministère public jusqu’à vendredi.