Saint-Jean-de-Védas, Ensemble pour les Védasiens : "Nous serons les garde-fous de la conduite des affaires”
Sous le feu de son propre camp, le maire François Rio se retrouve en minorité, accusé par ses anciens soutiens de gestion autoritaire des affaires et prise de liberté avec l’argent public.
Ils le connaissent depuis trente, vingt, quinze ans, l’avaient rejoint avec conviction sur la liste électorale et aujourd’hui, Véronique Fabry, Richard Plautin et Jean-Paul Piot font front commun, dans le nouveau groupe “Ensemble pour les Védasiens”, convaincus qu’il est urgent de prendre la parole sur “les déviances” de leur ancien meneur.
“Nous avons fait une belle campagne, nous avions une belle équipe. Nous avons un sentiment d’inachevé, de tristesse, car on sait qu’on aurait pu faire beaucoup mieux ”, partage Jean-Paul Piot, ancien adjoint aux finances. Convaincus par les bonnes intentions de leur liste en 2020, les trois ex-alliés de François Rio s’étaient investis à ses côtés, travaillant à “la construction d’un projet collectif”. Finalement, c’est guidé par un sentiment d’exclusion qu’ils ont décidé de se désolidariser : “Nous avons eu l’impression que les élus n’avaient plus leur place dans l’équipe dirigeante”, explique Véronique Fabry, première adjointe de la commune. Selon eux, la série de départs et de démissions est un signe qu’il est urgent de tirer la sonnette d’alarme, “d’ouvrir les yeux”. “Le maire peut dire ce qu’il veut, parler de décisions personnelles, mais 17 élus de sa majorité qui s’en vont, ça veut dire quelque chose. On ne peut pas autant se voiler la face !”, lance Richard Plautin.
Le point de rupture
Les premiers indices, selon certains élus, remontent à plusieurs années : “Il y a eu un certain nombre de signaux, qu’on n’a pas détectés avant, mais qui nous frappent aujourd’hui”, reconnait Véronique Fabry. De son côté, Richard Plautin pointe du doigt “l’isolement” du maire, suggérant que l’ancien directeur de cabinet aurait contribué à l’éloigner des autres membres de l’équipe municipale et des élus locaux. “Il [le directeur de cabinet] a voulu se faire passer pour celui qui dirigeait tout. Il venait à nous quand il en avait besoin, mais ne nous tenait jamais informés. Chacun était dans l’ignorance, et parfois, on se demandait si c’était volontaire”, accuse-t-il. Selon lui, cette gestion centralisée aurait non seulement fragilisé l’équipe, mais aussi généré un climat de méfiance. “Le maire a tardé à agir, la situation a eu le temps de s’aggraver”, juge l’ancien adjoint.
Pour ces trois élus, l’ancien directeur de cabinet a pu s’impliquer autant dans la gestion quotidienne de la municipalité en raison du “manque d’expérience de François Rio” et d’un “défaut de leadership” : “Il n’a jamais été capable de structurer, de donner des priorités, ou de trancher quand il le fallait”, critique Véronique Fabry. “Au lieu de s’appuyer sur les compétences de ses collaborateurs expérimentés, comme nous ou son directeur général des services (DGS), il a préféré faire cavalier seul. Et il ne s’est jamais remis en question, il ne sait pas ce que c’est.” Selon le groupe Ensemble pour les Védasiens, le maire aurait tout simplement été “dépassé par la fonction”. Pour celle qui le connait depuis trente ans, François Rio aurait voulu “montrer à tout le monde qu’il étudiait tout” et se serait enfermé dans sa propre vision “probablement par manque de confiance”. “Il a eu l’impression qu’il pourrait tout gérer seul, mais la réalité a fini par le rattraper“, poursuit-elle.
Rapidement, selon les élus, la communication au sein de l’équipe municipale, déjà quasi inexistante, s’est dégradée. D’après leurs affirmations, François Rio favorisait certains de ses proches et dénigrait publiquement ses élus : “Il nous méprisait parfois en public. Il n’hésitait pas à nous diminuer devant le personnel ou à nous virer de son bureau, se rappelle Richard Plautin. Il était dans une logique de ‘division pour régner’.“
Des dépenses publiques controversées
En parallèle, des accusations de mauvaise gestion des finances publiques et de négligence dans la gestion des projets municipaux se multiplient à l’encontre du maire. Le premier point de friction concerne l’achat d’un vélo à assistance électrique, un montant de 2300 euros. Selon ses anciens alliés, le maire n’aurait pas respecté les procédures budgétaires. “Un achat aussi coûteux sans en informer les services financiers, ce n’est pas normal”, signale Richard Plautin, rappelant le contexte de rigueur budgétaire. Ce dernier aurait interrogé le maire sur la finalité de cet achat après réception de la facture pour remboursement : “Je lui ai demandé si ce vélo était destiné à être mis à la disposition de la commune, il m’a répondu oui tout en ajoutant qu’il l’utiliserait à titre privé”. L’ancien adjoint aux finances se serait alors opposé aux remboursements, recevant les foudres de l’édile. Finalement, François Rio se serait lui-même acquitté de la somme les jours suivants.
Mais ce n’est pas le seul achat controversé. “L’opposition a relevé que le maire avait acheté des caleçons avec des fonds municipaux, quand le DGS l’a appris, il lui a dit que ce n’était pas possible”, continue l’ancien adjoint. Le maire aurait alors justifié l’achat en prétendant que les vêtements étaient destinés à son jeune fils, mais le doute s’est installé, notamment en raison de la mention “XXL” sur la facture. Autre sujet de tension, plus régulier : les remboursements de repas, dont d’invités non associés à des activités municipales.
Le budget : le sujet de la discorde
Le projet de budget a été un facteur clé de la rupture. Selon eux, le maire aurait exercé des pressions sur ses conseillers pour qu’ils approuvent des décisions financières sans consultation préalable. “Si vous ne suivez pas, vous savez ce qui vous attend”, aurait-il menacé. Au-delà des tensions internes, l’élaboration du budget lui-même fait débat. Les anciens alliés insistent sur le manque de travail réel : “Quand il dit qu’on a travaillé le budget, c’est une honte. On n’a jamais travaillé le budget.” Ils expliquent que, bien que des projections budgétaires aient été présentées, elles ne reflétaient pas un travail collaboratif et n’étaient que des prévisions sans fondement. “Le budget n’est pas arrêté jusqu’en 2027. C’est une prospective”, avance Véronique Fabry. De plus, avec le départ du Directeur Général des Services (DGS), la situation demeure incertaine. “C’est tout sauf un budget définitif”, précise-t-elle.
Malgré cette frustration généralisée, les membres du groupe affirment leur volonté de poursuivre leur engagement. “Nous continuerons à défendre ce programme, malgré notre départ de la majorité,” assurent-ils. Mais cette défense ne sera pas passive : “Nous serons très vigilants et nous suivrons de près l’évolution des projets. Nous ne ferrons pas de barrage systématique mais nous continuerons à dénoncer les incohérences et les dysfonctionnements qui nous paraissent évidents.” Et quand on leur demande si le futur de Saint-Jean-de-Védas pourra s’écrire en commun, la réponse ne se fait pas attendre : “On est prêts à parler avec lui, à trouver des compromis s’il faut, mais nous serons les garde-fous de la conduite des affaires”.