Salon du Made in France : Gilles Attaf, protecteur du savoir-faire français
Entrepreneur, fondateur de Belleville Manufacture, marque de costumes made in France, Gilles Attaf s’est battu tout au long de sa carrière pour le maintien du savoir-faire industriel, en particulier textile, sur le territoire français.
Membre depuis sa création et maintenant président de l’association Origine France Garantie, il a aussi fondé les FFI (Forces Françaises de l’Industrie) avec Laurent Moisson et Emmanuel Deleau. Rencontre avec un ardent défenseur du made in France.
Tout au long de votre carrière, vous avez été confronté à la délocalisation, comment s’est fondée votre conviction du made in France ?
Gilles Attaf : « Mon père était culottier, il avait un atelier à Belleville. Par la suite, j’ai beaucoup travaillé pour de grosses unités du nord de la France, des groupes familiaux qui portaient le tissage et la fabrication, et qui au fur et à mesure des années ont été trustrées par de gros groupes et délocalisées. J’ai été traumatisé par la perte de savoir-faire, c’est pour cela que je suis devenu activiste et que je m’implique autant dans cet écosystème. J’ai été élevé avec l’idée que la France serait un pays tertiaire et que la Chine serait le grand atelier du monde. Je me suis battu contre cette vision économique, un pays qui perd son industrie, perd son âme. C’est vrai pour le textile, mais aussi pour la métallurgie. »
Vous avez aussi été confronté à la délocalisation lorsque vous avez été patron de Smuggler…
G.A. : « Oui j’avais racheté l’entreprise en 2000, et j’avais intégré la production à la distribution. Et l’outil de production pour lequel je travaillais à l’époque, essentiellement la commande publique : SNCF, RATP, Air France, a commencé à délocaliser. J’ai tout fait pour conserver les emplois, j’ai fait rentrer des actionnaires, mais eux aussi ont voulu délocaliser, alors j’ai revendu mes parts. Par la suite, j’ai créé en 2020 (en plein confinement) la marque Belleville, en hommage à mon père, avec un ADN fort. »
Vous êtes à la fois président d’Origine France Garantie et membre fondateur des FFI, comment sont venus ces engagements ?
G.A : « J’ai fait partie des 20 premiers certifiés Origine France Garantie en 2012 avec Smuggler. Je suis ensuite devenu administrateur, vice-président et président depuis 1 an à la suite d’Yves Jégo. Entre temps, j’ai monté ce club d’entrepreneurs, les Forces Françaises de l’Industrie, avec Laurent Moisson et Emmanuel Deleau, pour s’unir et se fédérer, et accélérer la réindustrialisation. Maintenant, on a huit clubs en Province. On est des activistes, on veut développer des activités industrielles dans les territoires. L’ascenseur social pourra repartir via l’industrie. Il faut allier l’innovation à l’industrie. Notre pays ne peut pas être qu’un pays de start-ups. J’ai envie que les ingénieurs reviennent dans les usines et ne soient pas que dans la finance. »
« Notre pays ne peut pas être qu’un pays de start-up »
Quels secteurs sont les plus à même de relocaliser ?
G.A : « J’avais cette vision comme quoi il fallait monter en gamme, mais je me suis aperçu que tous les secteurs d’activités pouvaient être susceptibles d’être relocalisés. Il y a des entreprises qui sont en capacité avec l’innovation, la robotisation, l’automatisation, la maintenance. Il n’y a plus de limite. Même dans le textile, on est en capacité de produire pas forcément plus cher. Certaines marques commencent à comprendre qu’il y a des coûts cachés à la délocalisation. Des perspectives s’ouvrent, il y a une prise de conscience. La relocalisation est une bataille culturelle. La Région Nouvelle-Aquitaine est d’ailleurs un magnifique laboratoire, porté par le président Rousset, pour ce qui est l’usine du futur. On a la capacité de remonter les filières, il faut la volonté. Chacun doit porter sa pierre à l’édifice, c’est un sujet qui est global. »
Il faut aussi que l’État et les collectivités jouent le jeu…
G.A : « La commande publique est un vrai sujet. Je suis militant : il faut réserver une partie des commandes publiques aux PME françaises. On a un moyen de le faire avec la proximité, la commande locale, les circuits courts. On est porté par la convergence des luttes entre le social et l’écologique. Ça se rejoint car produire en France c’est privilégier les circuits courts. L’industrie est un formidable moyen de redonner un sens à son travail, qu’on soit entrepreneur ou ouvrier. Il faudrait qu’on arrive à cette mutation qu’ont réussi les artisans. Dans les usines, il y a de l’innovation, de l’intelligence artificielle. On doit être en capacité de produire a minima sur tous les secteurs d’activité. »
Comment va se passer la 4e édition des Assises du Produire en France qui se tient à Bordeaux ?
G.A : « Le tour de table est bouclé : tous vont venir se positionner sur des propositions qu’on va faire. On a monté un Think Tank, avec beaucoup d’interviews d’experts. On a identifié un certain nombre de sujets tels que la formation, l’écologie, et on veut être forts de propositions. On va vraiment leur demander de s’engager sur le refléchage de l’État vers l’industriel, le crédit recherche par l’industrie. On veut qu’il y ait du fond. Ils seront interrogés par Anthony Vitorino, rédacteur en chef de “Fait en France” et interpelés par Natacha Polony, rédactrice en chef de “Marianne” et chroniqueuse. Ils interviendront chacun une vingtaine de minutes. La 2e journée sera consacrée à des tables rondes. On veut porter le message qu’Origine France Garantie est un bon moyen d’aider à la réindustrialisation parce que plus on aura d’entreprises certifiées, plus on aura d’unités de production. »
Tous les candidats seront-ils vraiment là ? Y compris Emmanuel Macron ?
G.A. : « Il viendra sous réserve qu’il soit candidat ! Tous ont donné leur accord de principe ou écrit. Ce sera la grand-messe de la réindustrialisation à Bordeaux. C’est un signal fort pour la Région. Le président Rousset inaugurera le salon et le grand oral des candidats. C’est aussi un partenariat fort entre le salon MIF et les Assises du produire en France pour porter notre cause. »