Sète : échos du Quartier Haut, portrait de l’artiste sétois Eddie Morano
L’artiste sétois Eddie Morano, "ancien chien fou" devenu peintre figuratif, puise son inspiration dans le Quartier Haut, où il vit et travaille depuis de nombreuses années.
Fils de Sète
Eddie Morano, artiste inspiré et inspirant, incarne l’essence de sa ville natale et de ses trois générations d’ancêtres sétois, grande fierté de sa mère, récemment décédée : “Je lui dois beaucoup dans la générosité, dans mon esprit sétois ». Pour témoigner de l’influence de mes deux parents, je décline depuis quelque temps mes œuvres sous la signature : « Morano-Bellusci ». C’est une manière pour moi de leur rendre hommage”.
Enfant du rock, du punk et du ska, Eddie Morano a connu l’ébullition culturelle des années 80, “partant mineur en séjour en Italie ou à Londres”, “achetant des cassettes pirates à Rome”, “des disques et des tee-shirts à Carnaby street”, une liberté, un art de vivre, qui a eu un impact important sur l’homme et ses modes d’expression.
Un grave accident de voiture en 1988 devient le catalyseur de sa vocation artistique, le poussant à se poser des questions sur le sens de la vie : “En décrochage scolaire à ce moment-là J’ai compris que le système me mettait à la poubelle et j’ai rebondi, j’ai échappé à la mort, c’est ce qui m’a fait me poser de nouvelles questions tout en trouvant les ressources intérieures pour pouvoir y répondre afin de concrétiser mes rêves.”
La suite ? Une formation aux Beaux-Arts de Perpignan, entre 1993 et 1998, une autre période cruciale pour le peintre, alors en pleine construction : “J’y ai appris l’académisme, l’influence des grands artistes et me nourrir des mouvements artistiques contemporains, tout en trouvant ma propre veine”. Cette démarche se cristallise dans ses premières œuvres à l’huile, complexes et symboliques, nécessitant parfois jusqu’à six mois de travail par tableau.
De la palette à l’ouvrage
Son parcours artistique s’accélère quand il participe à des salons internationaux d’art et de création contemporaine au Grand Palais, au Carrousel du Louvre, en Israël, et au Québec. Cette visibilité internationale s’accompagne d’une volonté de partage : “Je me suis nourri du monde, il me l’a rendu, ça a apporté une dynamique dans ma vie et mon travail. A partir de là, je me suis engagé totalement dans mon travail de peintre”.
En 2018, Morano s’engage dans la création d’un projet collectif sur le thème « L’Histoire des vainqueurs : Où va la colère ? » avec des artistes plasticiens et des écrivains, soulignant l’exigence et la nécessité du partage artistique. Cette période marque également une rupture dans sa pratique artistique, abandonnant la peinture à l’huile au profit de la peinture acrylique en produisant des œuvres influencées par la figuration libre.
Aujourd’hui, une nouvelle collaboration est en cours, cette fois-ci avec des ambitions solidaires. En effet, l’engagement citoyen du peintre s’illustre dans des projets significatifs, dont une collaboration avec Amnesty International en 2024. Il précise : “Je suis dans le combat citoyen, j’exprime une conscience politique au travers de mes œuvres. Cette exposition vise à soutenir l’artiste cubain Luis Manuel Otero Alcantara, en prison pour avoir exercé sa liberté d’expression. Le temps fort autour d’une exposition devrait avoir lieu en avril 2024.”
Autre grand projet de l’artiste, particulièrement ancré dans le local : la réécriture de tableaux de Robert Combas. “Ce travail va s’intituler « Mes Comba(t)s », mon ambition est d’insuffler ma vision engagée, esthétique et narrative à ses œuvres. Ce projet a pour moi une triple ambition : rendre hommage à son travail, m’interroger sur son héritage et trouver de nouvelles perspectives à cette figuration libre toujours très vivante à Sète.”
“Il faut assumer sa narration”
“Nous sommes tous de passage sur cette terre, et un des rôles de l’artiste est bien de se poser la question de sa place dans la société, poursuit l’artiste, évoquant sa relation à l’art et au monde. Personnellement, je me place souvent en opposition, du moins en observateur du monde. Puis, j’essaye d’apporter ma pierre à l’édifice pour éviter que le monde ne se défasse comme dirait Albert Camus. Si mes tableaux aident un peu à ce projet et bien tant mieux.”
À bientôt 54 ans, Eddie Morano aborde sa carrière avec une perspective mature, déclarant avec humilité : “J’étais un chien fou, je le suis encore un peu. J’atteins aujourd’hui une maturité où j’arrive à vivre avec bonheur, avec un meilleur regard sur moi et le monde.” Sa philosophie de vie transparaît dans ses réflexions sur l’art et la nécessité pour l’artiste de s’interroger sur sa place dans la société : “On ne peut pas être dans les clichés, aujourd’hui, on se doit d’être dans l’ouverture. Moi je suis citoyen, artiste, et il faut travailler à tous les niveaux. On a qu’une vie.”
Eddie Morano conclut avec sagesse : “La narration, c’est ce que je retranscris de ma vision du monde, dans mes œuvres et mes collaborations. Il faut l’assumer. Il faut assumer sa différence, quand on a des choses à raconter, il faut sortir de l’ombre.”