Sète : le FC Sète 34 termine sa chute vertigineuse en Régionale 1
Relégué administrativement en National 2 l’été dernier par manque de moyens financiers, le FC Sète termine la saison 2022-2023 en fin de tableau avec une chape de plomb au doux nom de liquidation judiciaire aux pieds. Résultat, les Verts et blancs descendent directement en Régionale 1, sans passer par la case National 3. Retour sur une descente aux enfers avec le président par intérim, Yoni Ragioneri.
Le plus dur ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage, paraît-il. Celui du FC Sète 34 devrait faire très mal tant la dégringolade sportive et financière est sévère. En un an, le club est passé d’un maintien héroïque en National 1 au redressement judiciaire pour finalement se crasher en Régionale 1 après avoir cru aux promesses non tenues de deux investisseurs étrangers. A qui la faute ? Beaucoup de commentateurs de Sète et de Navarre dénoncent une mauvaise gestion, depuis plusieurs années, qui a conduit le club dans cette situation critique. “On est dans le cirage le plus complet, on ne sait plus qui dirige”, glisse l’ancien maire de Sète, François Liberti.
“On traîne un lourd passif depuis des années”
L’été dernier, lorsque la DNCG, la commission de contrôle des clubs professionnels, rétrograde pour raisons financières le FC Sète en National 2, la dette du club est estimée, par nos confrères du quotidien L’Equipe, à environ 700 000 euros… Poussé vers la sortie, l’ancien président Jean-François Gambetti dépose sa démission en juin 2022, remplacé dans la foulée par l’enfant du pays Yoni Ragioneri pour assurer l’intérim. “Ce n’était pas mon but. Je suis devenu président parce que Monsieur Gambetti est parti du jour au lendemain et que j’étais, selon certains, la personne la plus adéquate à ce moment-là, explique cet enfant de Sète, membre du club depuis de nombreuses années. A la base, je faisais le lien entre le club et la mairie, cela a beaucoup facilité les choses pour obtenir des aides publiques.”
La situation est critique, le patron de la brasserie Le Victor le sait en acceptant d’enfiler le costard de président. “Depuis des années, on traîne un passif assez conséquent qui a été masqué par des aides de l’Etat par rapport au Covid”, lâche l’homme de 45 ans, évoquant également “des arrangements entre les agents, entre l’ancienne structure et un équipementier”. Bref, “il y a des dettes qui ont été très longues et lorsque je suis arrivé, on a voulu améliorer les choses”.
Deux investisseurs, un écran de fumée et des belles paroles
Bon an, mal an, Yoni Ragioneri et son équipe vont “au combat” pour ramener subventions et sponsors privés pour permettre au club de tourner et payer les joueurs de l’équipe fanion… Jusqu’à l’entourloupe qui fera vaciller les maigres espoirs d’un retour à la normale. En octobre 2022, l’Émirati Salem Ahmed Baobaid, qui possède une entreprise de communication, et le Nigérian Olatunji Olalekan Mayowa, travaillant dans le pétrole, débarquent sur l’île Singulière avec des promesses d’investissements, des projets pour la ville et beaucoup de belles paroles.
Un écran de fumée qui ne tardera pas à se dissiper révélant une escroquerie dont les témoins peinent, encore aujourd’hui, à saisir le but. “Je ne comprends toujours pas l’intérêt d’avoir fait ça, si ce n’est d’avoir donner de faux espoirs et d’avoir été logé gratuitement pendant les négociations”, s’interroge encore Yoni Ragioneri.
Les joueurs privés de salaire
Plus qu’une amère déception, la fuite du capital espéré laisse le club exsangue et des joueurs sur le carreau. Impossible de les payer à partir de janvier 2023, certains ont même du mal à remplir leurs assiettes, se tournant vers la générosité du président par intérim et de l’équipe encadrante. “Il y a des coachs qui ont fait des pleins de courses [aux joueurs]. Le président a ouvert son restaurant pour manger, le midi et le soir. On a cherché des solutions un peu partout. Ça a été compliqué, dans les têtes. Le groupe a pris un gros coup. Donc voilà, on s’est serré les coudes comme on a pu”, témoignait récemment le joueur Yanis Ammour au micro de France Bleu Hérault.
Beaucoup, comme ce joueur anonyme dans les colonnes de So foot, estiment que le président “s’est fait rouler dans la farine”, “le foot [n’étant] pas son domaine”, tout comme son entourage. “La gestion humaine est importante et après il y a la gestion quotidienne. S’il n’y a pas les bonnes personnes aux bons endroits, c’est compliqué”, glisse le président du MHSC Laurent Nicollin. “C’est dommage parce c’est un club qui m’est cher et avec qui on avait des partenariats. On espérait faire de belles choses avec eux. J’espère qu’ils vont s’en sortir”, poursuit-il.
“La grosse erreur de ma part”
Les attaques, malgré les nombreux soutiens, sont dures envers l’enfant du pays biberonné au FC Sète, lui même joueur 18 ans durant dans des équipes en Excellence… Il reconnaît pourtant volontiers ses torts dans cette affaire. “La grosse erreur de ma part, c’est qu’en septembre, octobre, novembre et décembre, on est au combat au quotidien pour aller chercher des sponsors, on se débrouille pour que les joueurs soient payés – il faut compter 120 000 € de frais de fonctionnement du club pour les joueurs par mois – avec du retard, certes, mais ils sont payés. Malheureusement, quand je sais que ces investisseurs sont là, je relâche le sponsoring privé. Quand on s’aperçoit que c’est une escroquerie, on a perdu trois mois et demi. Et trois mois et demi à 220 000 €, ça fait beaucoup.”
Impossible, dès lors, de sortir la tête de l’eau. Les problèmes financiers sont un poids trop lourd attaché aux crampons des joueurs, faisant sombrer les résultats sportifs au plus bas, jusqu’au naufrage. Placé en redressement judiciaire, le club est passé devant le tribunal judiciaire ce jeudi 1er juin pour une entrevue “très tendue”, selon Yoni Ragioneri, qui s’est battu, comme à son habitude, pour sauver les meubles. Le club est parvenu, ces deux derniers mois, à percevoir des fonds venant de partenaires mais les instances judiciaires ont besoin de davantage de justificatifs. “Ce sera fait, sans problème, assure-t-il. Il manque également environ 10 000 € sur les 300 000 € manquants pour arriver à clôturer l’exercice mais ça ne sera pas un problème.”
Et d’ajouter : “La mairie prévoit entre 200 et 250 000 €, il y a 90 000 € de licences à peu près, donc ça fait très peu d’argent à regrouper avec les investisseurs et les mécènes. Il y a un peu de la Région, du Département, des sponsors privés… On devrait arriver largement au bout.”
Le futur président ? “Certainement pas moi !”
Un nouveau rendez-vous avec le tribunal a été fixé le 15 juin pour permettre aux Verts et blancs de repartir sur des bases saines. “Cela va me permettre de préparer la nouvelle structure, avec un nouveau président, une nouvelle équipe”, explique-t-il, car l’association FC Sète n’échappera pas à la liquidation, c’est pourquoi la prochaine étape sera de préparer un plan de cession en vue d’une reprise du club qui jouera en Régionale 1 à la rentrée de septembre (le dépôt de bilan fait sauter une catégorie dans la relégation).
L’avenir ? “Je veux sauver les jeunes. Avant, tout l’argent allé à l’équipe première, on veut rééquilibrer le budget, se donner les moyens de remonter en Nationale 3, quasiment de suite, ou la saison d’après, et puis remonter les étages au fur et à mesure avec des gens du cru, des Verts et blancs, des jeunes sétois et des alentours du bassin de Thau . Notre succès ne passera que par là”, prophétise Yoni Ragioneri. “Le club sera entouré de gens qui l’aiment vraiment et qui sont là pour apporter vraiment au club et non pas se gaver sur le dos du club.”
Reste à savoir qui se portera volontaire pour le poste de président… “Je ne sais pas, mais ça ne sera certainement pas moi !”, conclut un homme aussi dévoué que lessivé après un an à la présidence d’un club toujours en chantier.