Portrait de l'Hérault — Montpellier

Sophie Bringer-Deutsch redonne aux femmes l'espoir devenir maman après un cancer

Sophie Bringer-Deutsch est médecin spécialiste de la fertilité, elle aide les couples à devenir parents. Depuis plus de 20 ans, elle suit également les jeunes femmes atteintes de cancers.

“Vous avez changé notre vie !” Au-dessus de son bureau, des frimousses de bébés en pagaille et des lettres de remerciements se mêlent aux documents en jargon médical. Au CHU Arnaud de Villeneuve de Montpellier, la docteure Sophie Bringer-Deutsch change effectivement des vies, en donnant aux couples infertiles des chances de devenir parents. Depuis 2011, elle s’est spécialisée dans la préservation de fertilité des jeunes femmes atteintes de cancer.

“Ce n’était pas une vocation mais c’est devenu une évidence”

Si elle a toujours baigné dans le milieu médical, la gynécologue de 47 ans ne se destinait pas à cette profession. “Ce n’était pas une vocation mais c’est devenu une évidence”, confie-t-elle. Son père, le Pr Jacques Bringer, ancien chef du service endocrinologie du CHU Lapeyronie et doyen de la fac de médecine de Montpellier pendant 8 ans, n’a pas raccroché le stéthoscope. Il est aujourd’hui président de l’Espace Régional de Réflexion Ethique, qui travaille avec le gouvernement sur le projet “fin de vie”. Sa mère, angiologue à la retraite, continue également de servir en étant médecin bénévole dans une association. Une histoire de famille donc, mais pas que. “Je dois beaucoup à mes parents. Et je crois que j’ai aussi choisi ce métier parce que, comme beaucoup de femmes, j’ai toujours eu la crainte de ne pas pouvoir avoir d’enfant. J’ai voulu aider ceux qui traversent cette épreuve.”

L’annonce est tellement difficile, c’est un espoir de parler de grossesse

Aujourd’hui maman de deux filles de 13 et 16 ans, Sophie Bringer est passionnée par son travail. “Ce qui me plaît, c’est de parler de projet de famille avec une femme à qui on vient d’annoncer un cancer, ajoute la médecin. Lui permettre de penser à l’après, de s’autoriser à envisager un avenir avec des enfants, ça a un impact bénéfique, des études scientifiques le montrent. L’annonce est tellement difficile, c’est un espoir de parler de grossesse.” A Montpellier, c’est elle qui a monté le parcours de soin dédié à la préservation de fertilité. Tout a commencé en 2011, année où la vitrification (technique de congélation rapide) a été autorisée. Beaucoup plus fiable que la congélation lente utilisée jusqu’alors et qui donnait un taux de grossesse de 10 à 15%, cette avancée médicale fait grimper ce chiffre à 30%. “En 2011, j’ai eu 3 patientes, en 2018, 120 et en 2022 environ 200”, explique Sophie Bringer-Deutsch.

30 à 35% des patientes en préservation ont des cancers du sein

Un chiffre en constante augmentation car de plus en plus d’oncologues, lorsqu’ils traitent des femmes très jeunes, pensent à leurs vies d’après dès la découverte de la maladie. C’est là que la Dr Bringer intervient, après l’annonce et avant le début des traitements, qui impactent lourdement la fertilité. 30 à 35% des patientes en préservation ont des cancers du sein. Dans ces cas-là, avant la chimiothérapie qui fait baisser la fertilité, elles se voient proposer une stimulation ovarienne pour ponctionner puis faire congeler leurs ovocytes matures. C’est aussi le cas pour l’hormonothérapie qui interdit de tomber enceinte pendant deux à cinq ans, délai qui amène parfois les femmes à un âge où leur fertilité aura baissée.

Les maladies du sang, comme la leucémie, ne laissent pas le temps à la praticienne de faire la stimulation qui dure environ 15 jours. Dans ces cas-là, il est possible de prélever un ovaire et de le congeler sous forme de fragments ovariens. “C’est une technique qu’on utilise aussi pour les cancers de l’enfant, précise Sophie Bringer. Notre patiente la plus jeune avait 1 an. Quand les femmes sont en rémission, on greffe les fragments là où était l’ovaire et les cycles menstruels reviennent.” C’est d’ailleurs l’un des plus beaux souvenirs du médecin : en 2022 les deux premières greffes d’ovaires avaient lieu à Montpellier, “je ne pensais pas qu’un jour je ferais partie d’une équipe qui greffe un ovaire, c’était un moment fort de ma carrière ! Et aujourd’hui, c’est normal !”

Les patientes nous apportent souvent beaucoup plus que ce qu’on leur apporte

La discipline progresse, c’est d’ailleurs cela qui plaît tant à la gynécologue. “Ce qui est chouette avec l’assistance médicale à la procréation, c’est que ça évolue sans arrêt, tant au niveau des techniques que de l’éthique“. Pour transmettre et pour “participer à démocratiser le sujet de la préservation de fertilité auprès des professionnels” Sophie Bringer-Deutsch a créé, au CHU, un diplôme universitaire destiné à tous les médecins qui, de près ou de loin, ont un lien avec le sujet. Une manière aussi pour cette passionnée de “continuer à apprendre”.

Car c’est bien d’un métier passion dont il s’agit. Un véritable sacerdoce. Pour la soignante, les journées se suivent mais ne se ressemblent pas. “C’est une spécialité variée : on écoute en consultation, on fait de la technique au bloc avec les ponctions, et la touche finale après tout le travail qu’ont fait les patientes, la part symbolique importante, c’est le transfert d’embryon”. Avec énormément d’humilité, elle insiste : “ce n’est pas moi qui fais le plus dur du parcours, ce sont ces femmes. On relativise nos soucis du quotidien quand on voit le courage qu’elles ont. Les patientes nous apportent souvent beaucoup plus que ce qu’on leur apporte.” Ce que les patientes apportent à Sophie Bringer-Deutsch, la récompense qui vaut tout l’or du monde, ce sont ces nouvelles frimousses qui apparaissent parfois sur le mur, au-dessus de son bureau.

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