Sport de haut niveau : “un parcours du combattant pour les jeunes athlètes”, selon Stéphane Lebrun
Stéphane Lebrun, directeur technique du Montpellier Tennis de Table et père des célèbres frères Alexis et Félix Lebrun, figures montantes du tennis de table, est une voix de plus en plus influente dans le milieu sportif.
Alors que ses fils continuent de briller sur la scène internationale, il s’est exprimé récemment auprès de notre rédaction sur l’état du sport en France, et plus particulièrement sur les enjeux liés à la professionnalisation des athlètes.
La France est un pays de sport, mais…
Avec les Jeux Olympiques de Paris désormais dans le rétroviseur, les clubs sportifs français font face à un engouement sans précédent, enregistrant des inscriptions record. Certains sont même contraints de refuser des passionnés désireux de réaliser leurs rêves de gloire sportive. Cet enthousiasme tranche avec les déclarations passées, comme celle de Florent Manaudou qui avait affirmé que “la France n’était pas une nation de sport”.
Cependant, pour Stéphane Lebrun, la vraie question est de savoir comment le sport est perçu dans l’Hexagone. “La France est un grand pays de sport, même si le haut niveau doit être davantage structuré”, allègue-t-il. Il reconnaît que le sport de masse est bien implanté, notamment à l’école, où de nombreuses associations sportives offrent aux jeunes un large éventail d’activités : “Franchement, dans les villes, ils peuvent choisir parmi 50 000 sports. Ils ont plein d’accès. Cependant, quand on arrive au niveau au-dessus, ça devient une faiblesse.”
Le défi de la professionnalisation
Le principal problème identifié par Stéphane Lebrun est le manque de professionnalisation dans le sport de haut niveau. Selon lui, la France se heurte à un véritable fossé entre le monde du sport amateur et celui de l’élite. “On sent qu’on est gérés comme des amateurs. C’est très complexe”, constate-t-il. Là où d’autres pays ont su créer des passerelles entre le sport et l’éducation, la France reste en retard.
Stéphane Lebrun insiste particulièrement sur la difficulté qu’éprouvent les jeunes athlètes entre 18 et 21 ans, une période charnière pour leur carrière. “Ce qui nous manque, c’est cet accès entre 18 ans et la professionnalisation, explique-t-il. Pour ces jeunes, il s’agit d’un véritable parcours du combattant. On oblige nos sportifs à choisir entre les études et leur passion. Il faut qu’on change, il faut les accompagner”.
Sport et éducation : deux mondes encore trop éloignés
Stéphane Lebrun souligne l’importance de créer des ponts solides entre le monde universitaire et le sport, à l’image des modèles scandinaves où la conciliation des études et du sport est mieux organisée. “Il y a un vrai lien entre ceux qui ont fait des études et ceux qui montent des sociétés. En France, on n’arrive pas à instaurer cela”, déplore-t-il.
Selon lui, l’État a un rôle central à jouer pour faciliter cette transition, notamment en soutenant les athlètes durant leur parcours universitaire. “Quand on voit des athlètes faire du crowdfunding parce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir un sponsor, c’est hallucinant”, s’exclame Stéphane Lebrun. Dans les pays scandinaves, il est commun de voir des sportifs bénéficier d’un soutien aussi bien académique que sportif, un modèle qui devrait, selon lui, inspirer la France.
Quitter le monde amateur : une nécessité
L’aspect économique du sport en France est un autre point de faiblesse. Stéphane Lebrun évoque le désengagement progressif des collectivités locales et le manque d’investissement du secteur privé. “Les privés ne mettent pas d’argent. Quand on voit que l’on n’arrive pas à trouver de l’argent privé dans notre club… c’est une évidence”, regrette-t-il.
Il compare cette situation à celle de pays comme l’Allemagne, où l’économie du sport est bien plus développée. “Il faut créer ce lien entre le privé et le sport. En France, on a cette culture de l’amateurisme qui freine le développement”, affirme Stéphane Lebrun. Pour lui, cette absence de soutien économique freine non seulement la progression des athlètes, mais empêche aussi le développement global du sport de haut niveau.
Le statut des athlètes : un vide préoccupant
Un autre défi majeur évoqué par Stéphane Lebrun est l’absence de statut professionnel pour les athlètes. “Il n’y a pas de statut professionnel. Pour les pongistes, par exemple, il n’y a pas de reconnaissance. C’est compliqué”, explique-t-il. Ce vide statutaire empêche de nombreux sportifs d’accéder à des droits et à des aides qui leur permettraient de se consacrer pleinement à leur discipline.
“Quand on voit que des athlètes de haut niveau doivent jongler avec des petits boulots, cela nuit à leur performance”, déclare Stéphane Lebrun. Cette situation, où les athlètes peinent à subvenir à leurs besoins tout en poursuivant leur carrière sportive, pose la question de leur reconnaissance et de leur valorisation dans la société.