Tribunal de commerce de Béziers : un bilan 2024 chargé et des perspectives sous tension
Ce jeudi 23 janvier 2025, le tribunal de commerce de Béziers a tenu son audience solennelle de rentrée, l’occasion pour le président du tribunal Eric Germis, la bâtonnière maître Aziza Batal-Grosclaude et le vice-procureur David Durand de faire le point sur l’année écoulée et les perspectives à venir.
Des chiffres marquants et une activité en hausse
Le tribunal, qui voit son effectif renforcé avec l’arrivée de nouveaux juges consulaires, portant leur nombre à 25, fait face à une activité en hausse avec une augmentation de 25 % du volume de contentieux général. Soit 310 nouveaux dossiers, et un stock total de 220 dossiers, en progression de 30 %, avec une amélioration des délais de traitement, passés de quatre mois en 2023 à trois mois en 2024. “Une conséquence directe de l’action menée avec le barreau de Béziers par la mise en place d’un nouveau calendrier et le respect de son application.” explique Eric Germis.
Explosion des injonctions de payer et des procédures collectives
Les difficultés économiques, marquées par la hausse des coûts énergétiques, des matières premières, des taux de crédit et de l’inflation, ont eu un impact direct sur les entreprises, comme l’a souligné Eric Germis : « L’ensemble a eu pour effet que les difficultés des entreprises en 2024 se caractérisent essentiellement par une baisse importante des chiffres d’affaires, une évaporation de la trésorerie, des difficultés à faire face aux diverses charges de l’entreprise », un constat corroboré par une hausse de 30 % des injonctions de payer, qui atteignent 2 387 pour l’année 2024, ainsi qu’une progression de 22 % des procédures collectives, soit 382 au total, dont 64 % de liquidations judiciaires représentant 206 cas, 34 % de redressements judiciaires avec 129 dossiers et un doublement des sauvegardes, bien qu’elles restent marginales avec seulement quatre cas.
Prévention et modernisation au cœur des priorités
Le tribunal de commerce de Béziers s’est vu solliciter par la mise en place de procédures de conciliation, celle-ci étant la procédure utilisée notamment pour la renégociation des prêts garantis par l’état. 75% des entreprises qui rentrent en prévention trouvent une issue contre seulement 5 % dans les procédures collectives, tandis que des actions ont été renforcées pour faire respecter les obligations légales, notamment par la convocation de 151 dirigeants pour non-dépôt des comptes, avec 45 ordonnances de liquidation d’astreintes à 2 500 euros et 27 ordonnances de dépôt. Une initiative accompagnée d’un dispositif visant les entreprises muettes, permettant en 2024 l’ouverture de six procédures collectives sur sept requêtes grâce à une collaboration avec le parquet, et comme l’a indiqué Eric Germis, « la conjugaison de ces mesures et cette étroite collaboration avec le parquet permettront au tribunal de commerce de Béziers de renforcer ses actions sur la prévention des entreprises, mais aussi d’assainir notre territoire. »
Une institution sous tension
Maître Aziza Batal-Grosclaude a exprimé son inquiétude face à l’état critique de la justice, déclarant : ” Si la justice n’est pas un pouvoir, les magistrats ont des pouvoirs, qu’ils doivent exercer en toute indépendance afin de garantir les droits fondamentaux des justiciables. Cependant, cette mission essentielle, est aujourd’hui mise à rude épreuve. La déliquescence de l’état de la justice est flagrante, depuis des années : stocks de dossiers qui s’accumulent, délais de procédure qui s’allongent, prisons surpeuplées, les magistrats et agents de greffe sont à bout de souffle.”
Elle a ajouté que “les augmentations du budget allouées à la justice ces deux dernières années sont incontestables mais insuffisantes. L’état de santé de la justice est au centre des préoccupations, et les bulletins publiés à son sujet, suscitent une vive inquiétude. Cet état est tellement critique qu’il remet en cause les fondements mêmes de l’Etat de droit. L’institution judiciaire est comparable à un organisme affaibli, souffrant d’un manque chronique de moyens.”
Une analyse partagée par le vice-procureur David Durand, qui anticipe un maintien de la pression sur l’activité : “Le tribunal de commerce de Béziers a connu un surcroît d’activité de plus de 20 % en 2024, de son contentieux général et des procédures collectives. Les prévisions économiques pour l’année à venir ne prévoient pas un retournement de la conjoncture, et ce, au moins, pour le premier semestre de l’année à venir. Je crois pouvoir dire que l’activité de la juridiction ne devrait malheureusement pas connaître en 2025 de diminution.”
Cap sur la modernisation
Malgré ces défis, le tribunal poursuit sa modernisation, avec notamment la mise en place d’une messagerie électronique générique et l’introduction de signatures digitales pour les jugements, tout en formant cinq nouveaux juges consulaires pour 2025, afin de répondre aux exigences croissantes de sa mission.