Tribunal de Montpellier : Fabrice Belargent, "pour désengorger les tribunaux, il faut miser sur les ‘circuits courts’ de la justice”
Le jeudi 27 avril 2023, dans le paisible village de Sussargues, le #procureur de la République près du Tribunal judiciaire de Montpellier Fabrice Belargent a rappelé le rôle essentiel des maires dans les actions de justice de proximité en signant une convention avec l'édile de la commune, Eliane Lloret
L’objectif est clair : désengorger les tribunaux. La solution ? Revaloriser le rôle de maire et responsabiliser les citoyens par le biais du rappel à l’ordre. Cette alternative aux poursuites judiciaires, disponible depuis 2007, était le sujet de la rencontre entre le procureur et la maire de Sussargues.
“Cette convention renforce notre collaboration avec le parquet”
“Depuis 2020, la collaboration entre les maires et le parquet est renforcée, explique le procureur. Dans le cadre de cette politique de partenariat, nous intervenons à plusieurs niveaux : lorsque des élus sont victimes de violences (enquête, accompagnement, etc.), pour informer les élus des actualités judiciaires de leur commune, et pour gérer ‘l’infra-pénale’. C’est dans ce contexte que le rappel à l’ordre est utilisé depuis 2007. Cette mesure permet une réponse rapide à une infraction mineure grâce à la collaboration du procureur, de l’édile et de la police”.
Mis à la disposition des maires, le rappel à l’ordre permet aux élus de répondre aux incivilités et aux nuisances courantes telles que les conflits de voisinage, les tags, les dépôts de déchets sauvages, le tapage sur la voie publique, etc. Cet outil permet de convoquer les perturbateurs en mairie, qu’ils soient majeurs ou mineurs (ils sont alors accompagnés de représentant légal), afin de leur rappeler les droits et devoirs qui incombent aux citoyens. Pour mettre ce modèle alternatif en place, les édiles sont soumis à la signature d’une convention et à l’accord du procureur et des forces de l’ordre. Ce jeudi matin, la maire de Sussargues a rejoint la liste des dix communes du bassin de vie montpelliérain engagés dans cette démarche.
“Les faits de ‘petite délinquance’ ne nécessitent pas le recours aux tribunaux”
“Notre commune fait rarement parler d’elle en matière de faits divers, continue Eliane Lloret, en esquissant un sourire. Nos problèmes se limitent à “de la petite délinquance”, à des problèmes mineurs, tels que des tags ou des intrusions. Ce sont des infractions qui ne nécessitent pas l’intervention des tribunaux dans les cas de primo-délinquants. C’est pour résoudre ces problèmes plus efficacement et recevoir un accompagnement adapté que nous signons cette convention.”
Un point de vue partagé par le policier municipal Jean-Pierre Truntzer, en poste depuis cinq mois : “Pour avoir un dispositif de sécurité communal efficace il faut connaître tous les outils mis à notre disposition. Le rappel à l’ordre possède de nombreux avantages, surtout dans une petite ville comme la nôtre. Il faut être conscient que ce n’est pas parce que le délinquant ne passe pas devant le juge qu’il n’est pas pénalisé”.
Désengorger les tribunaux
“Les procédures se complexifient donc il est essentiel de trouver des moyens alternatifs de résolution“, a poursuivi le lieutenant de gendarmerie Guillaume Robin. Confronté à des piles sans fin de dossiers, le procureur de la République ne cache pas le caractère sélectif de la justice. “Nous avons des bureaux couverts de cas et nous sommes obligés de les classer, explique-t-il. Je vais évidemment faire d’un cas de violences intrafamiliales ou de trafic de drogue une priorité face à un dépôt de déchets sauvages…C’est pour cela qu’il faut miser sur les ‘circuits courts’ de la justice tels que le rappel à l’ordre et la transaction municipale*.”
Selon lui, ces outils “interviennent de manière préventive et permettent de régler les dossiers rapidement tout en identifiant les comportements qui pourront créer davantage de problèmes dans le futur”. Un argument qui a su convaincre, mais qui nécessite aujourd’hui un plus grand investissement des maires. “Il est crucial que les municipalités s’impliquent activement, précise Fabrice Belargent. Elles ne peuvent pas simplement faire appel au parquet pour résoudre tous les problèmes de délinquance, sans intervenir. Elles peuvent notamment accueillir des travaux d’intérêt général. C’est une prise de responsabilité parfois difficile pour les élus, mais c’est une étape nécessaire du système judiciaire.”
*Transaction municipale : cette mesure permet au maire de proposer aux contrevenants une transaction consistant en la réparation du préjudice par le paiement d’une amende, le dédommagement des frais de remise en état d’un bien communal dégradé ou des travaux d’intérêt général.