Vallée de l'Hérault : Jean-François Soto, "Nous devons aller collectivement sur un mode de développement plus vertueux"
Alors que le terrible incendie de Gignac de 2022 reste encore gravé dans les mémoires, la vallée de l’Hérault a été touchée par son premier feu de l’année début avril à Saint-Guilhem-le-Desert. Une précocité en partie due à l’épisode de sécheresse qui sévit dans la région depuis plusieurs semaines. Le maire de Gignac et président de la communauté de communes Jean-François Soto a accepté de discuter avec nous de la situation de son territoire et des mesures qu’il tente de mettre en place.
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles
“L’incendie de l’été dernier sur le Causse d’Aumelas a évidemment marqué tous les esprits et, début avril, nous avons vu à nouveau des hectares de forêt partir en fumée au-dessus de Saint-Guilhem-le-Désert, rappelle le président de la Communauté de communes. Si tôt dans l’année, c’est du jamais vu !”.
Dans la vallée de l’Hérault, toutes les communes tirent déjà la sonnette d’alarme en raison du niveau historiquement bas de la ressource en eau. “Les 28 communes du territoire sont concernées, développe-t-il. Nous avons un réseau de points de mesures, déployés par le Département et par nous-même, et, à de nombreux captages, le niveau est le plus bas jamais mesuré. Nous sommes déjà au printemps à un niveau comparable à celui de la fin de l’été dernier. C’est donc évidemment une situation très préoccupante, avec un risque fort de décrochage de la ressource dans plusieurs communes.”
Afin d’apporter une réponse rapide et efficace à la sécheresse qui s’impose sur le terrain, le maire de Gignac a réuni tous les maires de l’intercommunalité lors d’un conseil d’exploitation de l’eau. L’objectif : faire le point sur la situation et présenter les mesures prévues.
“Le changement climatique questionne l’ensemble de nos fonctionnements”
Pour Jean-François Soto, la réponse à long terme à la situation de sécheresse est de faire évoluer les pratiques vers une plus grande exemplarité dans une démarche environnementale globale. “Le programme d’investissements de notre schéma directeur est à perspective de 25 ans, détaille-t-il. Il est clair que l’enjeu du réchauffement climatique et notamment son impact sur la ressource en eau va questionner l’ensemble de notre fonctionnement, nos façons d’habiter, de produire, de nous déplacer. Il faut aller tous ensemble vers un mode de développement plus vertueux.”
Afin d’anticiper les carences du département et d’agir avant une crise majeure, en 2021, un schéma directeur de l’eau qui planifie les besoins d’investissements de l’intercommunalité jusqu’en 2046 a été validé. “Ce plan, dont le premier objectif est de réduire le risque de pénurie, représente un programme de 3 millions de travaux par an et a nécessité que nous augmentions l’année dernière le prix de l’eau payé par l’abonné, précise le président. Nous sommes également engagés au niveau du Pays Cœur d’Hérault dans un Plan climat air énergie territorial. Il prend en compte tous les enjeux de l’adaptation au réchauffement climatique, qu’il s’agisse des économies d’eau, du développement des énergies renouvelables, des modes de déplacement doux.”
Une stratégie qui a d’ores et déjà conduit les services de l’intercommunalité a adapté leurs méthodes pour faire des économies d’eau, que ce soit dans l’entretien des espaces verts ou le nettoyage urbain. Dans les prochaines années, d’autres aménagements sont programmés pour accélérer cet effort. “A Gignac par exemple, notre mix énergétique entre hydroélectrique et solaire, avec une nouvelle centrale photovoltaïque sur 5 ha, va nous permettre d’être un territoire à énergie positive”, ajoute-t-il.
Rénover pour protéger les ressources
Depuis que la compétence eau a été transférée à l’intercommunalité il y a cinq ans, la Vallée de l’Hérault mène un combat sur trois fronts : réduire les fuites sur le réseau, diversifier les ressources et interconnecter les communes. Il explique : “En rénovant les réseaux avec un programme d’investissement considérable, nous sommes passés d’un taux de rendement de 60% en 2018 à 80% aujourd’hui, au-delà donc de l’objectif fixé à 75%. Nous avons actuellement six forages de reconnaissance en cours dans différentes communes. Certains forages sont prometteurs, mais, cela demande des années pour aboutir avec le temps des travaux et des autorisations administratives.”
Pour compléter le travail réalisé sur le terrain et venir en aide aux communes les plus touchées par la sécheresse, la Communauté de communes conduit également un programme d’interconnexions pour sécuriser l’alimentation des communes. “En ce moment, nous posons plus de 3 km de canalisations pour relier deux captages qui concernent en tout huit de nos communes, développe le président de la Vallée de l’Hérault. Nous travaillons évidemment aussi sur la question de la réutilisation des eaux usées de nos stations d’épuration. L’évolution de la réglementation permet d’envisager des opportunités mais, même si des actions sont possibles, il n’y a pas une solution miracle.”
La sensibilisation, un bouclier indispensable
Le 21 avril 2023, la préfecture de l’Hérault a placé une partie du département de l’Hérault, dont le territoire de la communauté de communes Vallée de l’Hérault, en premier niveau d’alerte sécheresse. Les habitants et les entreprises de toutes les communes, à l’exception de quatres villages dépendant du bassin du Lez-Mosson, se sont vus imposés des mesures de restriction des usages de l’eau.
Pour contribuer à la dynamique de responsabilisation, l’intercommunalité agit par le biais de la prévention. “Nous sensibilisons les abonnés de notre service des eaux à la limitation de leur consommation afin d’éviter la rupture de l’alimentation en eau potable, détaille Jean-François Soto. Nous veillons aussi à rappeler aux habitants l’obligation légale de débroussaillement qui leur incombe autour de leur maison, une mesure vitale pour éviter les incendies dramatiques.”
Les agriculteurs et viticulteurs, particulièrement impactés par la sécheresse, sont légion dans la vallée de l’Hérault. Pour les accompagner au mieux malgré la crise, plusieurs mesures ont été prises. “De même que nous étions fortement intervenus en soutien des agriculteurs à la suite du gel d’avril 2021, nous sommes aussi mobilisés face à la sécheresse, lance le maire de Gignac. Nous avons financé le développement d’AgriPredict, outil d’aide à la décision pour les agriculteurs face aux aléas climatiques. Nous cofinançons avec le Département et la Région, des études pour des solutions alternatives à l’irrigation. Nous accompagnons les agriculteurs sur l’évolution des pratiques pour s’adapter au changement climatique. Et il faut d’ailleurs noter aussi le travail important mené par l’ASA du canal de Gignac pour économiser l’eau et développer le goutte-à-goutte.”
Si les actions de tous les habitants et toutes les entreprises de la vallée de l’Hérault permettent de freiner l’acceleration de la sécheresse, Jean-François Soto est conscient qu’il est indispensable de prévoir une réponse en cas de scénario catastrophe : “En cas de crise, nous avons un système d’alerte par mail et SMS. Nous constituons également un stock de bouteilles d’eau et prévoyons l’approvisionnement par camion-citerne pour pouvoir répondre à l’urgence. Si la situation inquiète, je dois dire que nous avons dans ce département un service de lutte contre les incendies remarquablement organisé et je tiens à saluer le dévouement exemplaire de tous nos sapeurs-pompiers qu’ils soient professionnels ou volontaires.”