Solidarité — Montpellier

Vendargues/Montpellier : le Camion du cœur, “un peu de pain et de chaleur”

À Vendargues, une cuisine professionnelle prépare chaque jour les repas du Camion du cœur, qui, en 2023, a distribué plus de 48 000 repas. “Cette année, on va dépasser les 52 000”, dévoile Dominique Farry, un des coordinateurs.

À partir de produits frais, principalement, les bénévoles préparent du lundi au vendredi des plats faits maison : soupes, plats chauds, salades, desserts, café. Un travail collectif qui, au-delà d’une aide alimentaire, se transforme en moments de réconfort dans un quotidien de plus en plus difficile.

“C’est le seul repas chaud de la journée”

Le Camion du cœur, qui fait étape chaque midi à la place Albert Ier à Montpellier, et le lundi soir à Plan Cabanes, est devenu avec le temps un point de rencontre pour ceux qui vivent dans la rue ou dans des conditions de logement précaires, privés de chauffage et d’eau chaude. “Pour beaucoup, c’est le seul repas chaud de la journée, mais c’est aussi un espace où l’on rompt l’isolement, confie Dominique Farry. Chaque midi, on retrouve des têtes qui sont familières, notamment des personnes âgées, qui restent le plus longtemps. En ce moment, on voit aussi des nouvelles têtes, dont beaucoup de gens qui vivent dans la rue à la suite d’ un accident de la vie et des jeunes devenus marginaux”. 

“On est trois fois plus”

Marcel, Elena, Sylvie, Mustapha… Ils viennent de parcours très différents, de France et d’ailleurs, mais partagent tous le poids lourd de la précarité et de l’isolement. Certains cumulent des petits contrats d’intérim, d’autres ont quitté le monde du travail à cause de l’âge, d’un handicap, ou d’un accident de la vie. Mais le Camion du cœur les rassemble. 

Marcel est un habitué. Il se rend place Albert Iᵉʳ dès qu’il n’a pas d’intérim et trouve dans la distribution un moyen de se sentir utile. “Je fais mon possible pour aider à décharger le camion, installer les tables, les chaises… On se connaît bien maintenant. Et ils nous aident à manger, alors nous pouvons aussi donner un coup de main. Et puis, j’aime bien me sentir utile.” Avec le temps, il a vu le nombre de bénéficiaires exploser : “Au début, on était une centaine, et à présent, on est trois fois plus. Les bénévoles font leur maximum pour nourrir tout le monde, mais parfois c’est difficile”. 

À ses côtés, Jacques, ancien SDF, amputé d’un pouce et dans l’impossibilité de reprendre le travail, confirme cette observation : “Il y a ceux de passage, comme les migrants de l’est, et les retraités qui viennent presque tous les jours. Mais j’ai vu de plus en plus de jeunes et de SDF. Il y a des étrangers, bien sûr, mais aussi beaucoup de Français d’ailleurs qui viennent à Montpellier, car ici, on sait qu’il y a des réponses à nos situations, que c’est un peu mieux organisé.” 

L’impasse de l’âge

Si des marginaux de tous âges patientent dans la file chaque midi, l’âge moyen des bénéficiaires frappe. Canne, déambulateur, rollator : les personnes âgées semblent plus que les autres au rendez-vous. Dans l’impossibilité de se remettre dans la vie active, ils sont bloqués avec une petite retraite et des enveloppes d’aides de plus en plus discrètes.

Sylvie fait partie de ces retraités toujours fidèles à la distribution. Bien que son déambulateur limite ses déplacements, elle trouve toujours un moyen de venir au camion. “Je viens pour manger, mais aussi pour retrouver du lien, explique-t-elle. Je me force à sortir”. Seule, elle se sent souvent coupée du monde, mais chaque jour, autour des tables du Camion du cœur, elle trouve “un répit”. Un moment de chaleur humaine qui “brise la solitude de ses journées”, confie-t-elle, visiblement émue.

Certains de ces témoignages sont empreints de résignation, d’autres d’amertume. Elena, retraitée arrivée en France il y a près de 40 ans, raconte avec amertume son parcours. “J’ai travaillé toute ma vie, sans être déclarée, pour un couple de policiers. J’étais veuve à 42 ans, et à ma retraite, le montant était dérisoire. On m’a dit : ‘Demandez à vos enfants de vous aider’, comme si c’était une évidence.” Elle se souvient de l’étonnement qu’elle a ressenti lorsqu’on lui a demandé de se tourner vers sa famille. “J’ai l’impression de m’être fait avoir, poursuit-elle, furieuse. Les dernières décisions du gouvernement Macron sur la réforme des retraites n’ont fait qu’empirer les choses. Je n’ai pas fini d’être en colère.”

Mustapha, quant à lui, ne cache pas son désespoir : “La France n’est plus ce qu’elle était. Elle était pleine de promesses. On nous a dit qu’ils allaient s’occuper de nous, que si on travaillait pour le pays, il nous le rendrait. Maintenant, il n’y a plus rien. Il n’y a que la mort qui me sortira de cette situation.”

*Prénoms d’emprunt

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