Voiles latines : Jacques Molinari, la passion de la transmission des savoirs
Le bois, l’eau, la toile, le vent, la navigation à la voile latine est plus qu’une tradition, c’est un art. Jacques Molinari fait partie de ces initiés qui prennent le temps de transmettre les savoirs et les gestes ancestraux pour apprendre à glisser sur la mer.
Les sources archéologiques et iconographiques confirment son utilisation précoce. La voile latine est apparue dans l’Antiquité, avec des mentions vers la fin de l’Empire romain (Ve-VIe siècles après J.-C.). Elle est reconnaissable par sa forme triangulaire, elle est une innovation maritime majeure qui a révolutionné la navigation en Méditerranée tout au long du Moyen Âge. Cette voile qui permet de remonter au vent devient essentielle pour le commerce et la guerre en Méditerranée. Les Vénitiens et les Génois, deux des plus grandes puissances maritimes de l’époque, l’utilisent pour dominer les routes commerciales et étendre leur influence.
Si son usage se perd à la Renaissance sur les navires européens au XVIIe siècle, l’utilisation de la voile latine reste en fonction sur les petites embarcations côtières et de pêche, où ses qualités de manœuvrabilité sont toujours appréciées. Au XXe siècle, dans un esprit de préservation du patrimoine maritime, l’intérêt pour la voile latine reste vivace et en 2016, elle est inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
À Sète, la promotion de la navigation à la voile latine est une des priorités de l’association, « Voile latine de Sète et du Bassin de Thau. » Créée en 1988 avec la restauration dʼune barque catalane, qui sera présentée lors du rassemblement des vieux gréements des fêtes maritimes à Brest en 1996, l’association lance avec cette même énergie « Sète Méditerranée » qui connaîtra un véritable succès régional, au point d’inspirer sa reprise par l’événement « Escale à Sète ».
« Je suis amoureux de la voile latine, c’est la plus belle des voiles, » Jacques Molinari.
Barquette marseillaise, bette, nacelle, ou catalane, ces embarcations portent toutes fièrement des voiles latines. Jacques Molinari semble avoir son bateau favori : « la nacelle est développable parce que c’est plat, c’est très simple. Je vais vous montrer, la nacelle est faite à partir de l’angle que fait souvent la branche d’un pin par rapport à son tronc, qui est à peu près de 110 degrés. Et c’était la barque des pêcheurs pauvres si vous voulez, des petits pêcheurs qui bricolaient sur l’étang. » Puis le vice-président de l’association de la rue des chantiers explique comment la remontée au vent d’un bateau à fond plat est possible : « la nacelle bénéficie d’une part d’un safran qui plonge très profondément et qui tient lieu de dérive et d’autre part il faut la faire giter. Si vous voulez, elle s’enfonce dans l’eau et s’appuie dessus. » Les kitesurfeurs parleraient de faire cranter sa planche pour remonter au vent et contrôler son allure. « Les anciens disaient : quand tu remontes au vent avec une nacelle, tu mets ta main sur le bord, et quand tu sens l’eau qui commence à frôler tes doigts, c’est que c’est bon, il est à la bonne gite », précise Jacques Molinari.
Sa passion est pour lui une histoire de famille, « moi je suis tombé dedans quand j’étais petit parce que mon grand-père avait une petite nacelle à voile latine, et j’en ai gardé le souvenir parce qu’il m’emmenait naviguer. Après je suis parti, j’ai vécu à l’étranger très longtemps, et je suis revenu ici à Sète […] J’ai fait de la voile toute ma vie, j’ai eu des voiliers traditionnels, enfin des voiliers modernes… J’ai navigué sur toutes sortes de bateaux, toutes sortes de gréements, mais je n’avais jamais renavigué sous voile latine. » Alors ici, sur la plagette de l’étang de Thau, il a commencé avec l’association sétoise à s’intéresser à cette voile si particulière, comme un retour aux sources. « Je suis amoureux de la voile latine, c’est la plus belle des voiles, » nous confie Jacques Molinari. Il la défend avec force, elle n’a pas de baume, mais une antenne et « c’est un gréement très efficace à partir du bon plein. Il est très puissant. »
« Sauvegarder et transmettre. »
L’attaché de coopération éducative qu’il était a eu des postes en Afrique, en Asie, aux Antilles, ou au Maghreb, il a parcouru le monde, sans jamais cesser de naviguer. Aujourd’hui, partager son savoir-faire et sa passion, c’est faire voyager à sa façon les adhérents de « Voile latine de Sète et du Bassin de Thau. » Le chantier de la Plagette a été fondé en 1930 par Luigi Aversa originaire de Gaeta en Italie. Il est aujourd’hui encore dans son état d’origine, avec ses équipements, ses bâtiments bardés de bois, ses treuils et ses chariots de levages montés sur rails. Ici, on commence un voyage dans le temps et grâce à l’association on s’engage dans un véritable voyage initiatique pour maitriser le matelotage, la réparation d’une membrure et la navigation sur l’étang de Thau, avec une devise : « sauvegarder et transmettre. »
L’association « Voile latine de Sète et du Bassin de Thau. »
Apprendre à naviguer et à travailler le bois « sauvegarder et transmettre. »
Chantier naval de la Placette – 24, rue des chantiers – 34200 – SETE – https://voilelatinesete.org/