Justice — Département Hérault

Procès Pissarra : "Je reconnais", la mère qui a affammé sa fille à mort avoue

Coups, privations de nourriture, humiliations : accusée d'avoir affamé à mort Amandine, adolescente de 13 ans, sa mère à pour la première fois reconnue les faits mardi, au deuxième jour de son procès, devant les Assises de l'Hérault. Du "totalitarisme familial" a résumé le président de la cour.

Le 6 août 2020, jour de son décès d’un arrêt cardiaque, au domicile familial de Montblanc (Hérault), près de Béziers, la collégienne ne pesait plus que 28 kg pour 1,55 m, victime des “actes de torture ou de barbarie” pour laquelle sa mère, Sandrine Pissarra, 54 ans, est jugée depuis lundi. Des faits qu’elle a donc enfin reconnus, après avoir nié depuis quatre ans, et pour lesquels elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité, lors d’un verdict attendu vendredi au plus tard.

Avant de suspendre l’audience mardi, le président de la cour, Eric Emmanuelidis, a fait diffuser un enregistrement audio, réalisé en 2019 par des voisins. On distingue la voix de Sandrine Pissarra et les cris, les pleurs et les sanglots d’Amandine : “Aïe, aïe, arrête, pas ça, j’ai mal…”.

“Madame, reconnaissez-vous les violences commises sur Amandine entre 2014 et le 17 mars 2020”, date du début du confinement dû au Covid, demande le magistrat. “Oui”, répond la mère de famille. “Ainsi que les actes de torture et de barbarie commis entre le 17 mars et le mois d’août, notamment les humiliations, de l’avoir confiné dans une pièce pendant des semaines, de l’avoir affamée ?”, poursuit-il. “Oui, je reconnais”, répond Mme Pissarra, sans donner d’explications. “C’est la première fois que je vous vois pleurer”, relève le magistrat.

Dans la foulée, son compagnon, Jean-Michel Cros, 49 ans, qui encourt 30 ans de réclusion pour avoir “privé de soins ou d’aliments” sa belle-fille, reconnaît également les faits. “J’ai une culpabilité énorme là-dessus”, avoue-t-il.

Un flageolet pour repas

Longuement entourée comme témoin mardi, avant ces aveux soudains, une autre de ses filles, Cassandra, 28 ans, avait raconté les violences et les privations de nourriture subies pendant l’enfance. “Un jour, ma mère m’a ouvert la tête avec un manche de balai”, se souvient la jeune femme, qui n’avait jamais osé dénoncer ces faits. “Personne ne pouvait nous sauver, on ne pouvait qu’attendre nos 18 ans pour prendre notre envol et espérer que ceux qui restent survivants”.

“C’est du totalitarisme familial”, lui fait remarquer le président de la Cour, en évoquant l’ambiance instaurée par la mère de huit enfants, de trois pères différents, propriétaire d’une onglerie. Entendu à sa suite, son frère Jérémy, 29 ans, décrit également les violences encaissées jusqu’à son départ de la maison, à 18 ans.

Pour avoir fait tomber “un gros pot en céramique”, sa mère l’étrangle. Puis, pour le repas, “on m’a servi un flageolet dans mon assiette, c’était humiliant”, dit-il, assurant que sa mère l’avait déjà “menacé de mort”. Une autre fois, Cassandra et lui ont dû rester agenouillés des heures durant sur une règle de bois, en tenant un dictionnaire à bout de bras au-dessus de la tête.

Le jeune homme se tourne alors vers sa mère : “Reconnais que tu es juste une criminelle. Assume !”, lui lance-t-il, rappelant qu’Amandine était devenue dès sa plus tendre enfance le souffre-douleur de sa mère. A ce moment de la journée, la quinquagénaire affirme pourtant toujours ne pas comprendre “de quoi” sa fille est morte.

Le président de la cour fait alors diffuseur des photos. La première date de la rentrée 2019. “C’est votre fille. Elle n’a pas un grand sourire, mais elle a un joli visage”, souligne le magistrat. “Et voilà le corps d’Amandine tel qu’on l’a retrouvée, au deuxième étage de votre maison”, étendue sur le dos à même le sol, extrêmement amaigrie.

Puis s’affiche un gros plan de son visage, tuméfié, orbites enfoncées, joues creusées, sang sur le front, cheveux arrachés, dents cassées. “Qu’est-ce que vous n’avez pas vu, pas compris ? Elle s’est privée elle-même de manger ?”, relance le magistrat. “Oui, je pense”, répond Sandrine Pissarra. “Qu’est-ce que vous lui avez fait ? C’est le moment”, la pousse le président de la cour. En vain. Sandrine Pissarra reste le regard braqué sur le visage martyrisé de sa fille et ne dit toujours rien.

Huit heures plus tard, après les témoignages de Cassandra et Jérémy et la diffusion de l’audio des voisins, elle reconnaît enfin.

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