Procès Pissarra : “Mon enfance, c’était un enfer sur terre”, raconte la soeur d’Amandine
Le procès de Sandrine Pissarra, accusée d'avoir torturé et affamé sa fille Amandine jusqu'à la mort se poursuit avec des témoignages accablants pour celle qui ne reconnait toujours pas les faits. Cassandra Henry, sœur aînée d’Amandine, décrit une enfance marquée par la violence et l’emprise maternelle.
Ce mardi 21 janvier est le deuxième jour d’audience du procès de Sandrine Pissarra, qui a torturé et affamé sa fille, jusqu’à ce que mort s’en suive. Alors que les témoins des innombrables tortures que subissait la petite Amandine s’enchaînent à la barre, d’autres enfants de l’accusée ont pu raconter ce qu’ils avaient vécu, notamment Cassandra Henry, sœur ainée d’Amandine.
“On devait se lever à 5h” pour faire le ménage
A la barre, Cassandra Henry se tient droite, elle parle d’une voix claire et raconte son enfance blessée. “Mon enfance, c’était un enfer sur terre. Tous les jours, on ne savait pas comment serait ma mère. Un jour, j’avais oublié un cahier, j’ai été punie pendant trois jours de boire et de manger.” Avec son frère aîné, Jérémy, “on a commencé à nous demander de faire du ménage. On devait se lever à 5h pour ça, et si ça n’était pas bien fait, on se prenait des coups. Parfois, on ratait même l’école car on avait pas fini le ménage et on loupait le bus.” La nuit, elle devait également s’occuper de son petit frère Ethan, lui changer ses couches, lui donner son biberon, “comme une maman, quoi”. Pour elle et son frère aussi, “niveau alimentation, c’était compliqué, on n’avait pas le droit au goûter, on n’avait pas accès au placard et si on y allait, on prenait des coups”.
De l’union de Sandrine Pissarra avec Rémi Henry sont nés trois enfants : Samantha, décédée à l’âge de trois mois de ce qui semble être une mort subite du nourrisson, puis Jérémy et Cassandra. Aujourd’hui, la jeune femme a 28 ans. Au début de l’enquête, elle avait été mise en examen pour non-dénonciation des mauvais traitements avant de bénéficier d’un non-lieu puisqu’elle n’avait pas vu Amandine depuis plusieurs mois. Selon les témoignages entendus ce mardi 21 janvier, la jeune femme était soumise à sa mère et rentrait dans son jeu. Les expertises psychologiques parlent de phénomène d’emprise, car si Cassandra s’est parfois faite la “complice” de Sandrine Pissarra dans l’acharnement qu’a subi Amandine, c’est parce qu’elle est elle-même une enfant battue et apeurée.
“L’ampleur, je ne pouvais pas l’imaginer”
Lors des visites des assistantes sociales, dues aux signalements qui ont été faits au sujet d’Amandine, Sandrine Pissarra “faisait en sorte qu’on mente, poursuit Cassandra. Elle disait qu’on allait perdre Amandine et Ethan, qu’ils allaient être placés et qu’on serait séparés. On la croyait”. Pourtant, celle qui est aujourd’hui une jeune femme assistait bien, quand elle était enfant et adolescente, a des scènes de violences envers le principal souffre-douleur de cette mère perverse. “Quand Amandine était toute petite, elle passait des heures sur le pot de chambre, c’était pour la rendre propre. Plus tard, elle était punie et écrivait des lignes”. “Ce que vous avez subi vous, va devenir le lot d’Amandine, déclare le président de la Cour, comme pour tenter de comprendre pourquoi Cassandra n’a pas donné l’alerte. Après confinement, vous savez qu’elle est puni dans le débarras, vous n’avez pas le droit d’y aller”. “Oui, répond la jeune femme, mais l’ampleur, je ne pouvais pas l’imaginer”.
Puis, Cassandra en vient à parler du jour de la mort d’Amandine et de l’après. Durant ce témoignage comme durant tous les autres, Sandrine Pissarra ne soutient pas le regard de celle qui parle, elle regarde ses mains, posées sur ses genoux, et joue avec ses doigts. “Le 6 août, quand elle m’a annoncé la mort d’Amandine, j’ai tout de suite pensé qu’il s’était passé quelque chose de grave. J’y suis allée et elle m’a dit que ma sœur était décédée d’une fausse route”, explique-t-elle d’abord. Lors de l’enquête, “je n’ai pas tout dit aux gendarmes dès le début des auditions, par peur. C’est lors des gardes à vue, quand j’ai compris qu’elle ne sortirait pas, que j’ai pu parler”.
“On aurait dit qu’il n’y avait jamais eu Amandine dans cette maison”
A partir du 7 août, lendemain de la mort de la petite, “on avait l’impression que rien ne s’était passé”, Sandrine Pissarra “ne pleurait pas, elle n’avait pas l’air triste, elle faisait sa vie, elle a même maintenu un rendez-vous avec sa coiffeuse le lendemain. Jean-Michel Cros, lui, était effondré. L’ambiance était très bizarre, on aurait dit qu’il n’y avait jamais eu Amandine dans cette maison”, confie Cassandra. Elle parle ensuite du comportement d’Ambre, la plus jeune des sœurs, qui commence à changer. “Un jour, j’ai vu ma mère l’étrangler. J’ai dit à Ambre : ‘si ça se trouve c’est toi la suivante’. Ma mère a besoin de quelqu’un pour passer sa colère”.
Julien Henry est le demi-frère de Jérémy et Cassandra, il a 43 ans aujourd’hui. C’est dans les années 2000 qu’il a connu Sandrine Pissarra, alors en couple avec son père. Il n’a pas pu être présent à l’audience mais son témoignage a été lu par le président de la Cour. “C’est une tarée de ménage, elle me faisait faire ma chambre au carré. Je ne mangeais jamais avec eux, toujours seul dans la cuisine […] J’ai vu des bagarres en regardant sous la porte, mon père avait des griffures partout le lendemain. […] Des claques, j’en ai pris, je voyais qu’elle avait une haine en me regardant, je n’ai pas bougé et je l’ai regardé dans les yeux, elle s’est plainte à mon père mais elle n’a plus recommencé. Avant j’avais tellement peur d’elle que je me recroquevillais, mais pas cette fois-là.”
“On n’a pas de preuve mais on pense qu’elle en a eu marre des cris ou des pleurs” de son bébé Samantha
Celui qui est aujourd’hui père de famille temporise dans son récit : “pour moi ce n’était pas aussi violent que pour Jérémy, lui il y avait des humiliations aussi, une fois elle l’a laissé partir en caleçon”. Concernant la mort de sa demi-soeur, le bébé Samantha, il ajoute “on n’a pas de preuve mais on pense qu’elle en a eu marre des cris ou des pleurs, on a toujours eu des doutes”. Il conclut : “J’espère qu’elle sera enfermée pour de nombreuses années. Elle a vraiment un problème. Quand j’ai su pour le décès ça ne m’a pas surpris, connaissant cette personne, a un moment donné il y allait avoir un drame”.