Résistance et collaboration dans l’Aude : « J’ai décidé de mettre les pieds dans le plat en n’occultant rien »
Le livre de Maxime Chavigny, « Résistants et collaborateurs : une étude historique en terre…
Le livre de Maxime Chavigny, « Résistants et collaborateurs : une étude historique en terre d’Aude (1933-2022) », a connu un petit succès inattendu. Édité une première fois en 300 exemplaires en août 2024 par le Centre Lauragais d’études scientifiques, l’ouvrage s’est retrouvé vite épuisé. Heureusement pour les férus d’histoire locale, une nouvelle édition vient combler les attentes. L’occasion d’évoquer les travaux de Maxime Chavigny, jeune carcassonnaise de 25 ans, réalisés durant ses études d’histoire militaire et primés par le département (premier prix Joseph Poux 2022).
Est-ce que vous vous attendiez à ce petit engouement local ?
Je suis particulièrement content parce que c’est assez rare. C’est à la base un travail d’études que j’ai mené à l’université. C’est difficile d’être édité après un master d’histoire car que ce sont de suite des livres assez imposants. On n’était pas sûr de trouver un public local si facilement. Et finalement, ça s’est fait assez naturellement. Le sujet intéresse beaucoup de gens.
Comment expliquez-vous ce succès ?
Il y a, d’une part, l’emprise locale, sur le département de l’Aude. Les gens ont envie de savoir ce qui s’est passé à côté de chez eux plutôt que de s’attaquer à un gros livre d’historiens un peu plus connus au niveau national. Là, il y a des communes, des noms de lieux qui parlent aux gens, etc. Cela a beaucoup joué, je pense. Et puis ensuite, on a eu la chance d’avoir des commémorations pour les 80 ans de la Libération qui ont porté le sujet sur le devant de la scène.
« Cela reste un sujet sensible »
Et puis c’est également rare des livres qui parlent de la Résistance mais aussi et surtout de de la collaboration au niveau local. Cela reste un sujet très sensible donc, en général, le sujet est traité au niveau national mais on se mouille pas localement. Moi, j’ai décidé de mettre les pieds dans le plan en n’occultant rien, en travaillant sur les deux sujets.
Vous écrivez qu’il y avait une pseudo guerre civile dans l’Aude entre la Résistance et les milices. N’était-ce pas le cas partout en Frtance durant cette période ?
Je pars du principe qu’on a finalement, des deux côtés, des civils en armes, ce ne sont pas des professionnels, des militaires à l’origine. Ils se battent entre eux alors que certains ont vraiment grandi dans les mêmes villages, ont côtoyé les mêmes écoles communales, etc. […] Il y a des échauffourées qui sont quand même de l’ordre, oui, de la guerre civile, à petite échelle.
« L’épuration est rude parce que les actes qui ont été commis pendant la guerre le sont eux-mêmes. »
Après, je l’explique aussi dans le livre, il y a 1% de résistants, environ, et 1% de collaborateurs dans l’Aude à cette époque, on est donc sur une toute petite minorité. Mais par contre, ces 2 % de la population là vont aller très loin dans leurs actes les uns envers les autres, d’où l’épuration qui sera finalement une conséquence de cela ensuite. L’épuration est rude parce que les actes qui ont été commis pendant la guerre le sont eux-mêmes.
Comment avez-vous travaillé ? À partir d’archives ou vous avez aussi récolté des témoignages de personnes, peut-être des survivants ou alors des familles de survivants de cette période-là ?
J’ai travaillé à 90 % à partir des archives départementales de l’Aude. Il y a le détail des procès qui ont été menés à la Libération, des aides octroyées à des résistants, car il a fallu créer des dossiers pour justifier des actes de résistance, etc. J’ai aussi une partie témoignages, mais pas sur les acteurs de l’époque parce qu’aujourd’hui, dans le département, on a quasiment plus personne qui a connu cette période-là en tant qu’acteur. Les gens qui témoignent aujourd’hui, en réalité, sont issus de la génération d’en-dessous. Par contre, j’ai interviewé sur le pan mémoriel – c’est-à-dire des personnes qui vont faire passer cette histoire là mais finalement sans l’avoir vécu – un professeur d’histoire, un archiviste et un blogueur
Comme vous l’avez dit, la collaboration est un sujet toujours sensible actuellement. Avez-vous été contactés par des familles de descendants ou autres ?
Oui, et de manière plutôt étonnante. Dans mes conférences – il y a un cycle de conférences qui va avec le livre pour entrer un peu plus dans le détail et pouvoir échanger avec les gens. Evidemment, ceux qui prennent la parole, en général, ce sont les descendants de résistants qui me disent « mon père était résistant », qui apportent des précisions, leurs témoignages. Mais récemment, par mail, un descendant d’un collaborateur audois qui faisait sa généalogie m’a contacté. Il était super intéressé par les archives que j’avais pu consulter. C’est compliqué, quand on fait sa généalogie, de crier sur tous les toits qu’on a une famille de miliciens, mais lui avait l’air globalement à l’aise avec ça, suffisament pour avoir envie de creuser et en assumant complètement cette partie de son histoire familiale.
Mais il faut dire que, dans le livre, j’ai « anonymisé » les personnes, je donne leur prénom et la première lettre du nom. Je l’ai fait pour des raisons d’éthique et pour éviter un certain voyeurisme parmi le lectorat.
« Résistants et collaborateurs : une étude historique en terre d’Aude (1933-2022) » (25 €), disponible à Castelnaudary (Maison de la presse, Librairie Calmy, Office de tourisme intercommunal), Carcassonne (Maison de la presse, Librairie Breithaupt, Librairie Mots et Cie), Narbonne (librairie Libellis) ainsi que par correspondance (clescastel@gmail.com).