Théâtre : Georges Lavaudant s'attaque à Molière avec un "Misanthrope" créé à Montpellier
Georges Lavaudant s'attaque à Molière avec un "Misanthrope" dont il a confié le rôle d'Alceste au multirécompensé Eric Elmosnino. La pièce sera jouée pour la première fois au Domaine d'O du 24 au 29 janvier 2025.
Après avoir monté depuis 50 ans au théâtre de très nombreux auteurs contemporains et classiques étrangers, Georges Lavaudant s’attaque à Molière, avec un “Misanthrope” dont il a confié le rôle d’Alceste au multirécompensé Eric Elmosnino.
Le prolifique metteur en scène de 77 ans et son comédien, César 2011 du meilleur acteur pour son rôle de “Gainsbourg”, rencontre l’AFP entre deux répétitions à Montpellier, où cette version sera créée le 24 janvier (représentations jusqu’au 29) , avant d’être présenté à Châlons-en-Champagne (1er et 2 mars) puis à l’Athénée-Théâtre Louis-Jouvet de Paris du 12 au 30 mars.
Pourquoi attendre si longtemps avant de monter du Molière ?
Georges Lavaudant : Il ya 10 ans, j’ai fait une création en catalan du Misanthrope, la seule fois de mon parcours où j’ai abordé Molière. Je n’ai jamais non plus monté Racine, Corneille, Marivaux… La raison ? Un pari, un peu stupide, fait à 20 ans, de ne jamais monter les grands classiques français.
Mais il y a deux classiques quand même qui m’ont toujours bouleversé : le Misanthrope, donc, et Bérénice, de Racine. L’autre raison, c’est qu’il faut trouver l’interprète qui vous permette de vous projeter dans la pièce.
Eric Elmosnino : Moi, je n’ai jamais rêvé de jouer Alceste. J’ai besoin d’un peu de légèreté, d’humour, de distance… tout ce qu’il n’a pas. Mais avec Georges, on s’est dit : On va s’en chercher un beau [rôle], et voilà.
Alceste n’a de cesser de dénoncer l’hypocrisie et d’exiger une transparence absolue, y compris avec Célimène, la femme qu’il aime et qui, elle, pratique à la perfection l’art de la séduction…
G. L. : Un soir de première au théâtre on est tous dans cette situation. On n’a pas aimé le spectacle mais on va quand même s’efforcer de dire que c’était pas mal. On aimerait tous, à certains moments, être des Alceste, avoir ce courage de dire les choses. Mais cette posture radicale peut aussi être une tyrannie.
À 20 ans, Célimène ne veut pas s’enfermer, elle a besoin de faire l’expérience de la vie. Elle est dans la liberté, peut-être une forme de bienfaisance. Et entre les deux sur un Philinte, l’ami d’Alceste, qui essaie de concilier. Ce n’est pas une conciliation molle, c’est peut-être la seule condition qui nous permette, dans les couples ou en société, de ne pas nous entretuer dés le premier soir.
E. E. : Je voyais bien qu’il s’agissait d’un mec agité, d’un radical. Mais je découvre, en le jouant, qu’il dise qu’il veut décapiter la terre entière ou fuir sur Mars, que ça ne fait que traduire de la souffrance chez lui. C’est en ça que je me dis que c’est quelqu’un dont je peux être proche, que je peux comprendre.
Le spectacle est sans costume d’époque, ni perruque, mais ce sont bien en alexandrins que s’expriment les personnages.
E. E. : La matière sur laquelle on travaille ici, qui est extrêmement puissante, c’est l’écriture. C’est un bloc de marbre, qu’on attaque avec notre petit burin. L’alexandrin, c’est une forme imparable, presque parfaite. On se l’approprie quand même un peu, on essaie de rentrer dans le costume, de malaxer cette langue et la faire sienne. Ca reste quelque chose de totalement artificiel mais on a la folie de vouloir faire croire qu’on l’invente sur le moment.
G. L. : Bizarrement, quand on est dans la contrainte de l’alexandrin, on découvre que c’est une immense liberté. En art, les contraintes sont toujours des espaces de liberté qu’on n’a pas dans la société normale et qu’on accepte comme un jeu. Si on essaie d’écraser ces contraintes par une sur-contemporanéisation, on aplatit la pièce, on lui enlève ses secrets, ses ambiguïtés, ses noirceurs, et je ne vois plus trop l’intérêt.
Du vendredi 24 au mardi 29 janvier, à 20 h (excepté dimanche, 17 h) au Domaine d’O à Montpellier. Infos et réservations en cliquant ici.